Quels sont les composants actifs du cannabis ?

Il faut savoir qu’il existe deux types de cannabis : le Cannabis sativa sativa, qui est le chanvre « textile », et le Cannabis sativa indica, qui est le chanvre indien psychoactif. Ce dernier contient lui-même plus de 400 composés chimiques, dont une soixantaine de molécules cannabinoïdes. Parmi celles-ci, il y a notamment : le Δ 9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC), qui constitue le principal produit psychoactif euphorisant chez l’homme ; le cannabidiol (CBD), deuxième constituant le plus abondant dans le cannabis, dont les effets font actuellement l’objet de bien des recherches et débats ; le Δ8-tétrahydrocannabinol, moins psychoactif que le Δ9-THC ; et le cannabinol (CBN) qui est non psychoactif.

Quels sont les effets du cannabis sur l’organisme ?

L’étude des effets du cannabis s’est plus spécifiquement focalisée sur ceux du Δ9-THC. Ce que l’on sait, c’est que celui-ci agit sur le cerveau grâce à l’utilisation du système cannabinoïde endogène et plus spécifiquement grâce à la liaison aux récepteurs cannabinoïdes type 1 (CB1). Ces récepteurs CB1 sont présents dans de nombreuses structures cérébrales impliquées dans le contrôle de fonctions physiologiques aussi diverses et variées que la récompense, les émotions, le sommeil, la prise alimentaire, la mémoire, la motricité, la nociception (phénomène d’alarme de l’organisme), etc. Quand le cannabis est consommé, le Δ9-THC va donc agir sur le contrôle de toutes ces fonctions avec des conséquences diverses qui dépendent en partie des doses consommées. Si l’on prend par exemple l’effet du Δ9-THC sur la mémoire, la stimulation excessive des récepteurs CB1 dans les structures impliquées est problématique car elle altère l’apprentissage et l’encodage de l’information. Mais quand on s’intéresse au contrôle de la douleur, l’effet du Δ9-THC est plutôt « bénéfique » puisque l’activation excessive des récepteurs aura cette fois des propriétés antalgiques.

Pourquoi le cas des adolescents est-il particulier ?

L’adolescence est une période critique en matière de développement cérébral, caractérisée par une sensibilité accrue aux récompenses, qu’elles soient naturelles (alimentaires) ou pharmacologiques (les drogues d’abus), aux interactions sociales, aux prises de risques. Le comportement spécifique des adolescents les rend donc très vulnérables aux addictions.

Quels troubles psychiatriques le cannabis peut-il entraîner ?

Il faut savoir que le cannabis induit des troubles psychotiques par lui-même, ce qui rend difficile la détection d’un processus de schizophrénie débutante liée à la consommation chronique de fortes doses de cannabis. De plus, c’est sûrement une interaction bidirectionnelle : les fumeurs de cannabis sont souvent des sujets souffrant de troubles psychotiques mais ces derniers sont aussi plus sensibles aux effets du cannabis. Les études chez l’animal ont montré que le cannabis consommé perturbe la régulation endocannabinoïde des systèmes glutamatergiques et dopaminergiques, systèmes essentiels à la bonne maturation cérébrale de l’adolescent. Chez les animaux exposés chroniquement à l’adolescence, cela a pour conséquence une altération du filtrage sensoriel comme des interactions sociales, un état d’anxiété... soit plusieurs symptômes de la schizophrénie.

Dans quel cadre l’usage du cannabis peut-il relever d’un rôle thérapeutique ? 

L’avenir thérapeutique du cannabis fait l’objet de nombreux débats. Certains pays ont déjà avancé sur ce chemin, d’autres ont fait le choix de légaliser. La France, elle, est dans une démarche de réflexion scientifique intense, car c’est un sujet très sensible. 

Il y a des personnes favorables à l’usage du Δ9-THC en médicaments. En effet, plusieurs études scientifiques montrent que cette molécule présente un intérêt dans le cadre du traitement de la douleur chronique et de la douleur en cancérologie. L’usage thérapeutique du Δ9-THC existe déjà dans certains pays européens avec le Sativex, qui est un mélange de THC et de CBD. On prescrit ce médicament aux personnes atteintes de sclérose en plaques afin de diminuer plusieurs symptômes, dont les douleurs neuropathiques et la spasticité (cette dernière tire son nom du mot « spasme » et se caractérise par la résistance involontaire à un mouvement imposé).

Et il y a ceux qui sont contre. Il ne faut pas oublier que le Δ9-THC reste un puissant psychotrope qui, selon l’intensité d’usage, les doses consommées ou l’âge de consommation, peut avoir des effets néfastes sur la santé et induire des troubles psychiatriques, par exemple l’addiction.

Peut-il représenter un substitut efficace à des traitements déjà existants ?

Au-delà des effets antidouleur, le Sativex a des effets sur l’appétit qui sont très intéressants et qui pourraient aider les patients traités en cancérologie, en trithérapie anti-VIH, etc. Mais, encore une fois, il est difficile d’envisager une utilisation du Δ9-THC sans prendre en compte le caractère psychotrope de la molécule. C’est pourquoi le dosage en THC et CBD du Sativex est conçu pour que le médicament n’ait pas d’effets euphorisants, car le CBD modère l’action du THC.

La recherche sur le cannabis est-elle soutenue en France ?

Non, la recherche scientifique sur le cannabis ne fait l’objet d’aucun soutien particulier. Pour être financés, les projets scientifiques sur cette thématique passent par l’appel à projet « tronc commun » de type Agence nationale de la recherche… Le taux de réussite est d’environ 12 %. Mais c’est un problème d’ordre général, ce n’est pas propre à la recherche sur le cannabis. Cela tient davantage au système de financement de la recherche fondamentale en France. 

Propos recueillis par JULIEN BISSON

 

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