Céline et Martin : « Il nous reste une seule chance de FIV »

Céline relativise, mais on sent poindre une petite angoisse : « On a un peu la pression, il nous reste une seule chance de FIV remboursée par la Sécu. » En France, en effet, quatre implantations d’embryon sont prises en charge pour obtenir une grossesse. Avec Martin, ils ont déjà vécu trois déceptions. Et ils ne comprennent toujours pas la raison de leur infertilité.

Les premières consultations remontent à 2012. À l’époque Céline a 27 ans, ils tentent d’avoir un enfant depuis un an. « On a fait des bilans sanguins, ils étaient bons, la réserve ovarienne aussi… » Elle commence tout de même des traitements de stimulation puis, au bout de deux ans et demi, ils se tournent vers la FIV. 

Son mari, « très cartésien », s’en remet totalement à la médecine. Elle se creuse la tête. « On m’a dit que ça pouvait être le surpoids mais ce n’est pas sûr. D’autres me disent de ne pas y penser, mais quand vous vous faites des injections d’hormones, vous êtes obligée ! » Dans sa famille, deux couples ont fini par adopter à l’étranger avant de réussir à avoir des enfants naturellement. « Je n’étais absolument pas dans les médecines douces avant, mais là j’ai essayé les gouttes de fleurs de Bach et les huiles essentielles. Je suis allée voir un psy, un acupuncteur, un hypnothérapeute… » sourit-elle. 

Céline relativise, mais elle sait que le temps file : « J’ai 33 ans. Certains amis ont eu leur deuxième enfant avant qu’on en ait un. » Récemment, ils ont quitté la région parisienne pour la Bretagne. Et mettent tous leurs espoirs dans un hôpital de Nantes. « La semaine dernière, ils ont découvert que c’était peut-être un problème de thyroïde chez moi. Ça avance, apprécie Céline. Mais si ça se trouve, ce problème n’existait pas il y a six ans ! On a perdu beaucoup de temps. »

S’ils ont choisi cet hôpital, c’est aussi parce qu’il pratique le don d’ovocytes – au cas où la dernière FIV ne fonctionnerait pas. « Mais il y a deux ou trois années d’attente pour un don, je ne sais pas si on aura autant de patience. On irait plutôt vers l’étranger », estime Céline. Prêts à débourser plusieurs milliers d’euros, alors ? « En réalité, on ne s’est pas vraiment projetés, dit-elle. On espère qu’on n’aura pas besoin d’aller jusque-là. »

Caroline et Marc : « Techniquement, j’étais stérile »

Marc est conscient de ce qu’il doit à la médecine. « Techniquement, j’étais stérile, dit-il. Si ça s’était passé il y a vingt ans, je n’aurais jamais eu d’enfants biologiques. » La nouvelle est tombée brutalement, en 2014. Caroline et Marc essaient d’avoir un enfant depuis plus d’un an. Les examens ne révèlent rien du côté de la jeune femme. Le spermogramme de Marc, en revanche, est alarmant : « Il n’y avait pas de spermatozoïdes du tout ! Je n’ai pas compris ce qui me tombait dessus. »

Après une batterie d’examens, l’explication vient d’une analyse génétique : le trentenaire a hérité de sa mère la mutation de la mucoviscidose. Aucun risque de développer la maladie, mais, à cause de l’altération de ce gène, le canal qui achemine les spermatozoïdes vers la verge ne fonctionne pas.

La seule option est donc une FIV. Pour prélever les spermatozoïdes de Marc, il faut ponctionner. « Anesthésie générale, dix points de suture aux testicules… j’ai donné de ma personne ! », rigole-t-il. Sa virilité est-elle touchée ? « Non, si c’était le cas, elle serait mal placée. » L’annonce d’un entretien psychologique, en revanche, le fait sortir de ses gonds : « Quoi ? Des milliers de gens tordus se reproduisent sur terre et, nous, on doit avoir l’accord d’un psy ? Punaise, lâchez-nous ! »

Le couple a de la chance, la FIV fonctionne dès la première tentative. Un petit garçon débarque début 2015. « Et tout a été remboursé à 100 %, s’étonne encore Marc. Rien qu’une partie des tests génétiques coûtait 4 000 euros. Je ne paie plus mes impôts de la même manière ! »

Assez vite, ils souhaitent un deuxième enfant. On implante d’abord à Caroline un embryon congelé lors de la première FIV. Échec. Il faut refaire une fécondation depuis le début. Pour les spermatozoïdes, il y a les paillettes congelées de Marc. Caroline, en revanche, doit subir de nouveau une stimulation, une ponction… « La pauvre, elle n’avait rien demandé à personne. C’était dur », raconte Marc, reconnaissant envers sa compagne. Du côté des familles, la pudeur est plutôt de mise. « Sauf ma sœur, qui m’a parfois posé la question : “Ça va ? ça marche ?” Mais c’est un truc intime ! Est-ce que je te demande si tu as fait l’amour hier soir ? » s’énerve Marc.

Après deux FIV sans succès, l’équipe médicale constate une baisse de la fertilité de Caroline. Émerge alors l’idée d’implanter deux embryons la fois suivante. « Il y avait deux risques : n’avoir aucun nouvel enfant ou en avoir deux. On a choisi la deuxième option », raconte Marc. Cette tentative fut la bonne, le grand garçon a désormais deux frères, des jumeaux, et les parents une énorme dette de sommeil.

Delphine et Yannick : « Il a suffi qu’on décide de tourner la page »

Delphine se souvient du verdict glaçant de sa gynécologue : « Vous avez déjà gagné au loto une fois. Si vous voulez un autre enfant, ne laissez pas faire la nature ! » 

Pour le couple, le « tunnel » de la FIV a commencé après la naissance de leur fille. « La première grossesse avait tardé, j’avais 35 ans passés, de l’endométriose, une réserve ovarienne pas top… On s’est dit qu’on n’allait pas trop tarder pour le deuxième », se souvient Delphine. Ils sont motivés, mais la brutalité des médecins leur coupe parfois les ailes. « Zéro pédagogie, regrette Delphine. Ils pourraient au moins fournir un schéma, avec les étapes, qu’on comprenne… »

Finalement, par recommandation, ils consultent René Frydman, l’un des « papas » du premier bébé-éprouvette. « Lui était super humain, il faisait attention à comment on se sentait », assure Yannick. En l’occurrence, la période est éreintante. En plus de son travail très prenant, Delphine subit des piqûres d’hormones, se lève très tôt pour faire des échographies avant d’aller au bureau… « Je l’ai toujours connue combative. Là, elle était épuisée », raconte Yannick, qui se sentait « un peu spectateur ». 

Et puis, il y a ces déconvenues à n’en plus finir. « Tu ne peux pas t’empêcher de guetter tes règles, d’être déçue tous les mois », souligne Delphine. À deux reprises, l’implantation fonctionne, mais se conclut en fausse couche. La seconde fois, il faut expulser l’embryon avec l’aide d’un médicament. « Tous les trois mois, on était tristes pour quelque chose, se souvient Yannick. Ça jouait sur l’humeur de notre fille. Au travail aussi, on subissait des échecs. C’était une période sombre et dure. »

Au bout de deux ans, le couple décide d’abandonner. « J’ai fêté mes 40 ans, on avait déjà une fille, on ne voulait plus s’acharner », explique Delphine. Après cette décision, elle s’autorise enfin à quitter son emploi salarié et à monter son entreprise. Et visiblement, ça a tout changé. « Tu es tombée enceinte la semaine où on a fêté la création de ta boîte ! Il a suffi qu’on décide de tourner la page », commente Yannick. 

Avec du recul, ils trouvent qu’il ne faudrait pas présenter la PMA comme la seule option. Le lâcher-prise a aussi ses vertus. « Est-ce que le fait d’entrer dans un processus, de se mettre la pression, n’est pas contre-productif ? Notre cas prouve plutôt que si », constate Yannick. Il dit qu’ils ont gagné deux fois au loto.

Élodie et Thomas : « Ça devenait obsessionnel »

Pour Élodie, tout a commencé lors de son premier mariage, à l’âge de 20 ans. Après un an sans grossesse, elle consulte son gynécologue. « J’avais de grosses douleurs liées aux règles mais il n’a pas cherché plus que ça, il m’a prescrit un traitement pour l’ovulation », explique la jeune femme, aujourd’hui âgée de 28 ans. Elle « gobe des hormones » pendant des mois, sans succès. « La famille de mon mari me reprochait l’absence de grossesse, lui ne me défendait pas. Je pense que l’infertilité a joué dans le divorce », poursuit Élodie.

Elle ne se lance à nouveau dans des examens que bien après son divorce, lorsque l’histoire avec Thomas devient sérieuse. Elle demande une cœlioscopie diagnostique, qui consiste à introduire une minuscule caméra au niveau du bas-ventre. « Quand je me suis réveillée, on m’a fait un diagnostic d’endométriose. J’avais des kystes sur les ovaires, des adhérences entre les organes… C’était terrible mais ça m’a soulagée : enfin, je savais ce que j’avais ! Ce n’était pas dans ma tête », raconte-t-elle.

Les douleurs de l’endométriose deviennent si fortes qu’Élodie passe des mois alitée, sous antidouleurs. Thomas ne sait plus comment la soutenir. Arrive enfin l’opération, pour retirer un maximum de lésions. À son réveil, on lui annonce brutalement que la maladie a beaucoup progressé, qu’il a fallu retirer une trompe et que l’autre est hors d’usage. « Ça a été un coup de poignard, raconte-t-elle. Depuis toute petite, je me suis imaginée maman, je voulais quatre enfants… » Thomas se souvient de son désespoir, à l’hôpital : « Elle m’a demandé de la quitter, elle s’en voulait de me priver de mon rêve. Je lui ai dit que j’étais tombé amoureux d’elle, pas de son utérus ! »

Le couple se lance alors dans des FIV, « un grand manège qui ne s’arrête jamais », décrit Élodie. La fécondation donne des embryons : ascension. L’implantation échoue au bout de quelques jours : chute libre. Le couple entre dans une spirale infernale. Thomas se fait réprimander parce qu’il n’a pas la tête au travail ; elle vit au rythme des piqûres et des chutes de tension, avec le sentiment de livrer un combat contre son propre corps. « C’est tellement joyeux et simple pour tellement de couples ! Pour nous, c’était comme un gros projet d’achat : un planning, des délais, des rendez-vous… Ça devenait obsessionnel », raconte Élodie.

Leurs problèmes conjugaux, Thomas les relie à toute cette situation. « Élodie avait la douleur physique et morale, moi je n’avais que le moral. Donc j’attendais qu’elle soit endormie pour craquer. Je me suis totalement renfermé », raconte-t-il. Des décès de proches et de nouvelles réprimandes au travail achèvent de le faire craquer. « Je suis devenu invivable, j’étais en colère à longueur de journée… Ça a mené à la séparation », dit-il, des sanglots dans la voix. 

Élodie relativise. Elle a accepté l’idée qu’elle n’aurait peut-être jamais d’enfant. « Mais il faut communiquer plus sur l’endométriose, ça touche une femme sur dix ! rappelle-t-elle. Si j’avais été diagnostiquée à 20 ans, je n’aurais pas perdu mes trompes, j’aurais peut-être eu des enfants naturellement… » 

Vous avez aimé ? Partagez-le !