La fiction n’est jamais une mauvaise lucarne pour apprécier la réalité. Dans La Servante écarlate, le roman de Margaret Atwood récemment adapté avec succès en série, les États-Unis se voient ainsi frappés par toute une conjonction de calamités écologiques qui entraîne une forte chute de la fécondité. Reconnaissant là une punition divine, un groupe d’extrémistes religieux parvient alors à mettre en place un régime fasciste, réduisant les quelques femmes encore fertiles au rang de mères porteuses pour les nouvelles élites du pays. 

Nous n’en sommes pas encore là, fort heureusement. Mais la France, qui a longtemps érigé sa natalité en totem national, voit ces dernières années monter de ses entrailles un phénomène aux airs de grand tabou. Alors que les débats sur la procréation se concentrent sur l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes, voire l’autorisation de la gestation pour autrui, ceux-ci masquent en effet une autre réalité : l’augmentation alarmante de l’infertilité au sein des couples hétérosexuels. Près d’un sur cinq, selon l’Inserm, rencontre aujourd’hui des difficultés pour enfanter en France – une proportion qui grimpe en flèche chez les trentenaires, lesquels engagent leur projet de bébé de plus en plus tard. Soit des centaines de milliers de femmes et d’hommes pour qui le chemin vers la parentalité tient moins de l’heureux événement que du parcours du combattant, pénible, incertain et souvent vécu dans la honte et le silence. 

Bien sûr, la science se démène pour trouver des réponses à leur apporter : les techniques d’assistance médicale à la procréation ne cessent de progresser, que ce soit dans le champ de la fécondation in vitro ou dans celui de l’insémination artificielle. Avec un succès avéré : près de 25 000 enfants naissent ainsi, chaque année, grâce aux disciples du professeur Frydman, l’un des « pères » du premier bébé-éprouvette français. Mais faut-il vraiment s’en réjouir ? Comment se résigner à la souffrance de ces couples qui passent parfois plusieurs années à attendre un enfant qui ne vient pas ? Les prouesses de la médecine ne doivent pas nous exonérer d’une réflexion sur les causes même de cette infertilité en berne. En comprenant, d’abord, le rôle réel joué par les perturbateurs endocriniens, très fortement soupçonnés d’empoisonner nos gamètes. Mais aussi en interrogeant ce modèle de société qui voit l’âge de la première grossesse toujours repoussé, jusqu’à près de 30 ans désormais. Depuis 2014, le taux de fécondité n’a cessé, lui, de décliner en France. Et si l’heure n’est pas encore venue de ressortir les idoles ventrues, il ne faudrait pas que le « miracle de la vie » vienne à prendre un sens trop littéral. 

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