Entre Américains et Iraniens, l’histoire contemporaine est marquée par la volonté des premiers d’imposer leur domination et celle des seconds de s’y soustraire. 

Fondé en 1925 par Reza Shah Pahlavi, un officier qui s’est emparé du pouvoir par un putsch quatre ans plus tôt, l’État impérial d’Iran entend moderniser le pays tout en offrant l’exploitation de ses ressources énergétiques aux grandes sociétés américaines et britanniques. Mais Mohammad Reza Shah Pahlavi, son fils et successeur, se voit obligé, en 1951, de nommer Premier ministre le chef d’une formation nationaliste, Mohammad Mossadegh. Plusieurs fois ministre sous Pahlavi Ier, ce technocrate mesuré n’a rien d’un gauchiste, mais il s’inscrit dans un mouvement d’émancipation envers les grandes puissances qui, à l’époque, emporte tout le Moyen-Orient. Pour les Britanniques et les Américains, cette ambition constitue une menace, surtout dans un pays situé aux marches de l’URSS. 

Mossadegh lance une grande réforme agraire, promeut d’importantes avancées dans l’éducation et la santé et prône une politique étrangère « non alignée » (ni Occident ni URSS). Surtout, il veut renégocier le contrat d’exploitation avec l’Anglo-Persian Oil Company. Devant le refus de celle-ci, il nationalise la société pétrolière britannique. Le 19 août 1953, Mossadegh est renversé par un coup d’État organisé par la CIA et les services britanniques, avec le concours actif de la monarchie. Dans la mémoire populaire iranienne, ce putsch marque la première intervention impérialiste américaine visant à entraver l’indépendance du pays. Un sentiment aggravé par le fait que, à partir de là, le Shah instaure un régime dictatorial qui se caractérise par son soutien aux intérêts régionaux des Occidentaux. 

Vingt-cinq ans plus tard, lorsqu’une révolution populaire submerge l’Iran en 1979, les premiers manifestants, qu’ils soient religieux, nationalistes ou communistes, sont tous réunis par un rejet vivace de l’Amérique – le bénéficiaire final de cette révolution, l’ayatollah Khomeyni, la nomme le « Grand Satan ». Arrivé au pouvoir, le religieux instaure en Iran une « République islamique ». À la fin de cette même année, prétextant de l’asile accordé par Washington au Shah alors que le nouveau régime entend le juger « pour ses crimes », 400 étudiants s’emparent de l’ambassade américaine à Téhéran et y retiennent 52 diplomates et civils. 

La « crise des otages » va durer plus d’un an. Le président américain, le démocrate Jimmy Carter, met en place les premières sanctions économiques contre l’Iran. En avril 1980, il rompt les relations diplomatiques avec la République islamique. Bientôt, les États-Unis entrent en campagne présidentielle. Selon toute vraisemblance, l’équipe du candidat républicain Ronald Reagan négocie avec les Iraniens une libération des otages qui devra intervenir après son élection dans le but de défavoriser la réélection de Carter. C’est ce qui advient. Symboliquement, les otages sont libérés le jour où Reagan est intronisé, le 20 janvier 1981. Le régime des mollahs a démontré ses capacités de négociation… et de nuisance.

Mais très vite, l’hostilité entre Washington et Téhéran atteint de nouveaux pics. En septembre 1980, Saddam Hussein, le satrape irakien, lance ses forces contre l’Iran voisin et gagne ainsi les faveurs de l’Oncle Sam (Washington place Téhéran sous embargo militaire). Un conflit militaire éclate entre l’Iran et l’Irak : ce sera la dernière grande guerre de fantassins de l’histoire. Elle durera près de 8 ans. L’Iran en sortira vainqueur, mais à un prix humain exorbitant. La guerre Iran-Irak marque profondément les mentalités politiques iraniennes. Isolés sur le plan international, le pays et son régime ont dû batailler face à une coalition, les grandes puissances occidentales et le Bloc de l’Est communiste ayant tous deux soutenu son adversaire. L’Iran a résisté et vaincu, il entend désormais se doter de moyens qui empêcheraient radicalement son renversement de l’extérieur.

On ne sait quand précisément l’Iran a repris son programme de recherche pour se doter d’un armement nucléaire, initialement lancé par le Shah avec le soutien de Washington et Paris. Mais l’Occident commence à s’en inquiéter à la fin des années 1990. Une négociation s’engage entre les grandes puissances et la République islamique. Les pourparlers resteront longtemps bloqués par le président George W. Bush, qui a décrété en janvier 2002 l’Iran membre de l’« Axe du mal » aux côtés de l’Irak de Saddam Hussein et de la Corée du Nord – une construction idéologique qui répond au besoin de la Maison Blanche de fabriquer un ennemi « global ». Après de nombreuses vicissitudes, les négociations s’accélèrent sérieusement sous le second mandat de Barack Obama et se terminent en 2015 par l’adoption du plan d’action global commun, un accord signé par l’Iran qui limite drastiquement et sous contrôle international ses capacités d’accès à l’arme nucléaire pour au moins dix ans, en contrepartie d’une levée des sanctions économiques. Mais l’Iran espère d’abord de cet accord son acceptation légitime dans le concert des nations. 

Convaincu qu’il était impossible d’agir au Moyen-Orient sans tenir compte de l’importance croissante que l’Iran y occupe, Obama a ardemment désiré cet accord. Il ne pouvait imaginer que son successeur ferait unilatéralement sortir les États-Unis d’un traité qu’ils avaient signé avec toutes les grandes puissances et qui a été validé par deux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. 

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