Donald Trump navigue avec des idées simples dans l’Orient compliqué. Le Bien et le Mal, les méchants et les gentils semblent les seuls points cardinaux sur sa boussole géopolitique. Et l’aiguille aimantée oscille dangereusement sur l’Iran, désigné compulsivement comme le nouvel ennemi public américain. C’était jadis l’Union soviétique, naguère la Libye et l’Irak, avec les ravages que l’on sait. C’est donc à présent Téhéran, paré de tous les maléfices, à commencer par celui du terrorisme. Tout à la fois stratège imprévisible, maître chanteur et gendarme du monde, Trump entend bien faire rendre gorge aux mollahs et aux 82 millions d’Iraniens. 

Son geste peut sembler anecdotique. Il est majeur et bouleverse les relations internationales. D’abord, Washington dénonce la signature d’un accord qu’il a paraphé avec tous les pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne. Un compromis qui assurait provisoirement l’arrêt de la course de l’Iran vers l’arme nucléaire. Cela revient à piétiner des années de négociations laborieuses et fructueuses au terme desquelles Téhéran, en gage de bonne volonté, avait remis à la Russie une dizaine de tonnes d’uranium faiblement enrichi, stoppé le fonctionnement de ses centrifugeuses et accepté sans rechigner plusieurs inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ensuite, Donald Trump enjoint à tous ses alliés de renoncer au marché iranien, sous peine des plus graves sanctions financières. Un chantage qui revient à interdire aux multinationales européennes et asiatiques de commercer librement et à isoler autant qu’il est possible l’Iran, à empêcher tout développement de ses capacités économiques. Enfin, la décision américaine favorise, volontairement ou non, le resserrement des liens entre la Chine, la Russie, les pays arabes de l’arc chiite et l’Iran…

Dans la volonté américaine de mettre l’Iran à genoux, d’étrangler l’ennemi de ses amis régionaux (l’Arabie saoudite, les Émirats et Israël), de lui faire payer ses turpitudes passées (entre autres le siège durant quinze mois de l’ambassade américaine à Téhéran puis sa mise à sac) et présentes (son antisionisme délirant et l’approvisionnement en armes du Hezbollah), la démesure se confond avec le désir d’achever la politique du président Bush junior qui a détruit l’Irak. Ce n’est plus une partie d’échecs, c’est un jeu de quilles. Qui aura le courage de siffler la fin de la partie ? Qui saura armer l’Union européenne ? Qui aura l’audace d’isoler à son tour Washington ? 

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