Dans Le Complot contre l’Amérique, Philip Roth imagine ce qui serait arrivé si Charles Lindbergh avait été élu président des États-Unis en 1940. Il n’est pas le premier romancier à entreprendre une reconstruction fictive de l’histoire, ce qui porte en littérature le nom barbare d’uchronie, ni d’ailleurs le premier à faire entrer le célèbre pilote à la Maison-Blanche. Mais en choisissant pour narrateur un enfant juif de sept ans, il a donné à cette fable politique une tout autre dimension.

Lindbergh président ? « Avec des si, on mettrait Lutèce en amphore », dit Astérix pour dénoncer de vaines spéculations. Pas si vaines que cela dans Le Complot contre l’Amérique qui explore les zones d’ombre d’une nation ne cessant de brandir ses idéaux démocratiques. 

Auteur du premier vol transatlantique en solitaire et sans escale en mai 1927, Charles Lindbergh a été un héros adulé aux États-Unis, puis un père meurtri quand son bébé de vingt mois a été enlevé et assassiné. Cependant, l’homme qui venait d’abolir la frontière entre les deux mondes a été aussi l’un des porte-parole du mouvement isolationniste America First, partisan de la neutralité des États-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale, et même un antisémite qui désignait ainsi « les agitateurs bellicistes » en septembre 1941 : « les Britanniques, les Juifs et l’administration Roosevelt ».

On a découvert récemment que Lindbergh, qui passait pour un Américain exemplaire, père de six enfants, en avait… sept autres, nés de trois liaisons secrètes. Mais Philip Roth n’aurait pas fait l’erreur d’affaiblir sa brillante histoire-fiction par des affaires d’adultère. L’uchronie n’était pas tromperie. 

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