C’était à la fin de l’hiver 2012 à Moscou. Il neigeait comme au début du Docteur Jivago. Les briques cramoisies de la résidence de France se couvraient d’un manteau blanc. Il faisait froid et la rue soufflait le chaud. Les manifestations anti-Poutine grondaient. La jeunesse reprochait au nouveau président une élection entachée d’irrégularités. On admettait que sans la triche il aurait tout de même gagné. Mais cette façon soviétique de truquer le scrutin passait mal. Notre ambassadeur d’alors, Jean de Gliniasty, m’avait fait part de son malaise. À ses yeux, les médias occidentaux ne comprenaient pas ce qui se passait en Russie. Il s’étonnait que l’image de Vladimir Poutine en France soit aussi peu conforme à la réalité. Son message tenait en quelques affirmations simples. Poutine était chez lui un dirigeant très populaire. Il avait restauré la fierté des Russes. Il avait rétabli la confiance en l’État après l’ère Eltsine, assurant le versement des salaires des fonctionnaires et des pensions des retraités. Et il ne fallait pas s’y tromper : les jeunes vivaient selon lui leur « Mai 68 ». Les manifestants n’étaient pas des prolétaires sous le joug, mais des petits bourgeois nourris au lait du régime. Ces propos me sont revenus avec l’affaire de Crimée. La popularité intérieure de Poutine s’est encore raffermie avec son coup de force en Ukraine. Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble peut bien le comparer à Hitler. Poutine sait que son peuple le soutiendra toujours dans sa volonté de rétablir en ses frontières l’orthodoxie de la sainte Russie. Face à une Europe jugée dépravée par les médias d’État, le soft power sait avoir la main dure.

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