Dans les années 1900, aucun best-seller n’égale le catalogue de la Manufacture d’armes et cycles de Saint-Étienne. Ce monument de l’édition propose à l’honnête citoyen tout ce dont il peut avoir besoin, des réchauds à alcool aux accessoires pour vélocipédistes, en passant par les graines potagères, les bonnets de nuit et les pose-bougeoirs pour water-closets. 

Le catalogue s’ouvre par 150 pages ébouriffantes sur « les armes de chasse, de défense, de tir et de guerre », avec ce commentaire : « En été, quand la chaleur étouffante semble s’opposer à tout exercice, on peut distraire jeunes gens, hommes et vieillards, à l’ombre des grands arbres, en formant d’habiles tireurs qui, le cas échéant, pourront défendre la Patrie. » Les dames ne sont pas exclues de ces saines récréations. La Manufacture a conçu pour elles l’élégant fusil Idéal à deux coups « qui allie la légèreté, la vitesse du chargement et la faible détonation ». 

Rien à voir, bien sûr, avec le canon de 37 mm monté sur affût, dont l’avant-train dispose de quatre coffres à obus : celui-là est destiné aux « explorateurs, colons, directeurs d’exploitation et yachtmen qui ont souvent besoin d’une artillerie à tir rapide ».

Au chapitre des munitions, on peut choisir entre la fameuse « douille coloniale » et les balles à hélices aux « effets meurtriers extraordinaires ». Tout cet arsenal est admirablement illustré, décortiqué, expliqué. Trésor des familles, le catalogue de la Manufacture est une machine à faire rêver.

Encore quelques exercices à l’ombre des grands arbres, et les jeunes gens n’auront plus qu’à ajouter une fleur à leur fusil pour participer à la joyeuse compétition de 14-18. 

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