N'en déplaise aux grincheux, je vais être brillamment réélu président de la République pour la septième fois. L’un après l’autre, mes concurrents potentiels se sont désistés ou ont été déclarés inéligibles par la justice.

Autour de moi, je n’entends que des louanges. Mes collaborateurs les plus dévoués me supplient d’instaurer la présidence à vie. Mais ne sommes-nous pas en démocratie ? Le peuple a le droit intangible de m’exprimer tous les cinq ans sa confiance et son amour.

L’ordre règne. Les riches s’enrichissent et les pauvres constatent avec fierté que le pays redevient l’empire qu’il a été.

Je suis partout, sans avoir à le demander. On ne cesse de donner mon nom à des aéroports, des stades, des universités, des crèches… Même des plats traditionnels sont rebaptisés. « On se nourrit de votre force », m’a écrit un restaurateur.

Les bains de foule auxquels je consens sont de plus en plus touchants. Des handicapés et des femmes stériles se précipitent vers moi, cherchant à effleurer mes mains. 

Je suis le garant de la bonne marche des choses. « Sans vous, le soleil ne se lèverait pas chaque matin et refuserait de se coucher », m’a dit l’un de nos plus grands poètes. Ce sera, paraît-il, la première strophe du nouveau recueil qu’il veut me dédier.

Cette histoire de présidence à vie est stupide, m’a fait remarquer le meilleur de mes conseillers : « C’est une présidence éternelle dont le pays avait besoin. Grâce au ciel, il l’a obtenue. Vous resterez, pour les siècles de siècles, le Père de la nation. »

Mais le peuple, lui, ne voit pas aussi loin. Il sait que ma vie terrestre aura une fin. Qu’il se rassure : le moment venu, mon fils aîné sera prêt pour me succéder. 

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