À première vue, rien de nouveau. Un homme s’empare du pouvoir et ne veut plus le lâcher. Cela s’appelle un dictateur et c’est vieux comme le monde. Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui est d’une nature différente. Plus moderne en un sens. Plus perverse. Nous assistons en direct à l’émergence de régimes qui affirment sauver leur population des vices consubstantiels à la démocratie. Qu’il s’agisse de la Russie, de la Chine ou de la Turquie – pour se limiter à ces trois pays –, chacun creuse à sa manière les contours d’une ère post-démocratique. Aux libertés publiques qui constituent depuis plus de deux siècles le socle de nos sociétés, les nouveaux présidents à vie substituent une garantie de sécurité. Aux angoisses occidentales nées de la mondialisation, ces États opposent un pacte identitaire. Sans doute n’écoute-t-on pas assez les discours officiels de ces pays. Il y est en permanence question de nous. De nos faiblesses, de nos indécisions, de nos lâchetés, de nos incapacités collectives… 

Tel est le point commun de ces régimes : le refus du modèle occidental. Ce qu’ils taisent bien sûr, c’est l’ampleur de la corruption qui les ronge, l’absence de contre-pouvoirs politiques et judiciaires, enfin l’absence de liberté d’association et de liberté de la presse. L’actualité en offre tous les jours un autre exemple. Avant-hier, la décision des plus hautes instances communistes de confier à Xi Jinping la présidence à vie des affaires chinoises. Hier, la réélection de Vladimir Poutine sur une piste électorale préalablement dégagée. Aujourd’hui, le maréchal Al-Sissi reconduit dans ses fonctions présidentielles au terme d’une campagne pipée.

Amalgamer tous ces chefs d’État, des régimes aussi dissemblables que ceux de Singapour ou de la République démocratique du Congo, serait une erreur. On mesure bien pourtant ce qui les relie et leur donne un poids politique et géopolitique inédit : le refus de la liberté démocratique. L’effet de masse est considérable. Désormais, ce sont les pays les plus peuplés comme la Chine ou l’Inde, cette dernière étant gagnée par un sérieux prurit identitaire, qui font bloc sous l’oriflamme nationaliste. Ce sont les pays les plus vastes comme la Russie, l’Égypte ou le Soudan qui communient dans le culte de la force et de la répression. Il s’en dégage une nouvelle carte mondiale inquiétante. À méditer. 

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