Je m’étais dit que j’allais ressortir la légende : la ville aurait été fondée par le général carthaginois Hannibal Barca pendant que, venu d’Afrique du Nord et traversant l’Hispanie, il se dirigeait  vers Rome, l’ennemie publique numéro 1.  Hannibal, excusez du peu ! À moi Victor Hugo, « Ô chutes d’Hannibal ! Lendemains d’Attila ! »… La deuxième guerre punique, l’héroïque traversée des Pyrénées et des Alpes avec armée et éléphants, ah ! les trente-cinq éléphants d’Hannibal dégringolant les flancs à pic, les délices de Capoue, n’en jetez plus… Mais non ! Il n’est pas vrai que Barcelone a été fondée par Hannibal Barca, pas davantage par Hamilcar Barca, son père. Dommage pour la famille Barca.

Le Football Club Barça, diminutif de Barcelone, n’a  rien à voir avec Hannibal le Barcide, mais son fondateur, un Suisse, venait des Alpes. Joan ­Gamper, né Hans ­Gamper, était un cycliste émérite qui devint  un grand joueur de football et fonda le FC Bâle, puis le FC Zurich. Drôle de zèbre, qui partit jouer au rugby à XV à Lyon en 1897. Puis, au tournant du siècle, il va voir son oncle à Barcelone, il s’y plaît, s’y installe et rejoue au football. Pourquoi pas un club ? Hans ­Gamper en a déjà fondé deux. En octobre 1899, ­Gamper publie une annonce demandant des joueurs dans le magazine sportif  Los Deportes . Et ça ne traîne pas. Un mois plus tard, naquit le FC Barça doté de ses couleurs, grenat et  bleu roi.

Tout un roman, ces couleurs. Première hypothèse : ­Gamper aurait repris celles du FC Bâle, son premier club. Deuxième hypothèse, plus entortillée : ­Gamper, ou ses admirateurs, auraient fusionné les équipes où l’illustre fondateur avait joué – Excelsior, blanc et rouge ; Zurich, blanc et bleu ; Bâle, bleu et grenat… Enfin, avant même la naissance du FC Barcelone, ­Gamper portait une casquette bleu et rouge. On en déduira qu’il aimait le rouge couleur sang de bœuf et le bleu roi, point final que les footballologues  contesteront, c’est certain.

De toutes façons, le maillot ­azulgrana n’est pas ce qui compte. Non, ce qui trouble, c’est le destin politique de ­Gamper, devenu Joan par passion catalane.  En 1923, le général Primo de Rivera, né d’une vieille famille d’aristos andalous, réalise un pronunciamiento à Barcelone dont il est le capitaine général. Grâce au roi Alphonse XIII, il installe une dictature avec les pleins pouvoirs, à Madrid. Or à Barcelone, en 1925, le public siffle l’hymne espagnol et applaudit l’hymne de l’autre équipe. Vlan ! Primo de Rivera ferme le stade du FC Barça pour activités antiespagnoles et ­Gamper doit partir en exil. Quand il eut enfin le droit de revenir, il n’avait plus le droit au moindre contact avec son club. Il en mourut. En 1930, Joan-Hans ­Gamper se suicida. Et ce n’est pas fini !

En 1955, le FC Barça fut empêché de donner son nom au Camp Nou, cette fois par Franco, pour qui le fondateur du club était un étranger – horreur ! – un protestant – abomination ! –, un suicidé – malédiction !!! – et, comble du pire, il avait pris un prénom catalan… Aujourd’hui, Joan ­Gamper a une rue, un trophée, un jour ­mémoriel et, depuis 2006, une cité sportive. Les Catalans ont vengé son honneur. 

Ai-je oublié quelque chose ? Ah oui ! L’hymne du FC Barça est signé Manuel Valls, cousin du nôtre. Blaugrana al vent, Un crit valent, Tenim un nom que el sap tothom…  (« Blaugrana au vent, un cri vaillant, un nom connu de tous… »)

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