«  Avant l’unification du pays, Naples était une ville prospère. En 1737, elle donna naissance au premier théâtre lyrique au monde, en 1812 à la première école de danse d’Italie. C’est dans ses ateliers que prit forme le premier bateau à vapeur,  le Ferdinand Ier, et dans ses coffres que le pays cachait son or. Mais dès 1860, la ville devint la cible du Nord. De spoliations en moqueries, elle fut destituée de son identité, à commencer par celle de ses rues et ses places, rebaptisées à la gloire de ses bourreaux. Et progressivement, la belle Campanie est devenue la poubelle de l’Italie. Aujourd’hui encore, Naples subit cette humiliation. À Turin, le musée Cesare Lombroso expose les têtes des résistants à Garibaldi conservées dans du formol. Le musée vient même d’être modernisé pour que ces têtes d’habitants du Sud, torturés puis décapités, soient encore plus visibles. Ce lieu est une honte, un crime contre l’humanité, qui prouve que cet avilissement persiste. L’actuel Premier ministre Matteo Renzi se moque lui-même des Napolitains, n’hésitant pas à retourner sa veste pour s’assurer leurs voix. Il a également envisagé d’intégrer au calcul du PIB les richesses de l’économie parallèle, comme si l’argent qui circule était réellement distribué. Mais depuis trente ans, les Napolitains prennent de plus en plus conscience des mensonges historiques et des lavages de cerveau qu’ils ont subis. Autrefois, dans les quartiers bien fréquentés comme celui du Pausilippe, lorsque les enfants rentraient de l’école en parlant napolitain, leurs mères les réprimandaient. Désormais, ce sont elles qui leur transmettent la langue. Des organisations telles que le VANTO d’Angelo Forgione et des mouvements politiques comme le Grande Sud, partisan d’une plus grande autonomie, incarnent cette nouvelle conscience collective. C’est un réel espoir, celui d’une possible métamorphose de l’Italie. Une métamorphose que je crois tout à fait nécessaire pour redonner au Sud le statut qu’il mérite, et qui prendrait la forme d’un État fédéral comme en Allemagne, en Espagne ou en Suisse. Le président de la République Giorgio Napolitano a évoqué cette idée, « pourvu que l’on n’affaiblisse pas l’Italie ». Mais il faut comprendre qu’avec trois fédérations – au Nord, au Centre et au Sud – le pays gagnerait en puissance. Voilà mon désir d’Italie. »

Propos recueillis par Elsa Desbaresdes et Manon Paulic

 

 

 

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