Ludovic nous a quittés vers minuit alors que nous en étions encore au fromage. « Désolé, on m’attend pour une action citoyenne… » Il n’avait pas besoin d’en dire davantage, après avoir dénoncé tout au long du dîner le « flicage généralisé » de la France. Membre du collectif « Souriez, vous êtes filmés », notre ami participe régulièrement à des opérations nocturnes de masquage des caméras de vidéosurveillance. 

« On ne peut plus faire un pas, souligne-t-il, sans être espionné par ces miradors électroniques. Les gens qui nous gouvernent ont cru nous endormir en remplaçant dans la législation “vidéosurveillance” par “vidéoprotection”. Vidéoenfumage, oui ! Le but n’est ni de surveiller ni de protéger, mais de tout contrôler. Savez-vous qu’il existe maintenant des caméras dites “intelligentes”, capables par exemple de détecter un passant qui porterait un chargement trop lourd ? Des chercheurs chinois viennent même de mettre au point une caméra qui “voit” derrière les murs ! Jusqu’où ira la bigbrotherisation de la société ? » 

Ce matin, Ludovic m’a téléphoné, la voix tremblante. Il paraît que pendant son action nocturne des cambrioleurs se sont introduits chez lui et ont tout emporté, dont sa précieuse collection de tongs indonésiennes usagées. J’étais sur le point de lui recommander la caméra haute définition que j’ai installée dans ma maison : consultable à distance sur smartphone, elle est sensible à la hausse de température provoquée par la respiration d’un intrus et enregistre même les trois secondes qui précèdent un mouvement suspect. Mais il criait si fort que mon alarme s’est déclenchée. 

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