À quelle enseigne se fier ? Car, si la multiplication de l’offre est un bon signe pour le secteur, il est parfois difficile d’y voir clair. Pour en avoir le cœur net, comparons le prix moyen de quelques produits dans cinq magasins du centre de Bordeaux.

Conclusion des courses : pour le panier d’une famille de quatre personnes permettant de se confectionner des sandwichs pain de mie-jambon-beurre et contenant des carottes râpées et de l’avocat, une tortilla, des pâtes et du coulis de tomate, quatre yaourts nature, des fruits (un kilo de pommes et un de bananes), ainsi qu’une tablette de chocolat, la gamme Auchan Bio est clairement la plus avantageuse (36,34 euros). Elle est suivie de près par Biocoop (39,69 euros), qui reste financièrement plus intéressant que la gamme bio de Monoprix (41,68 euros) et, encore plus, que Bio c’ Bon (47,03 euros) ou La Vie saine (47,91 euros). 

Si Auchan et Biocoop soignent clairement la provenance de leurs produits (le plus « local » possible, ou a minima d’origine française), les autres enseignes proposent des produits en provenance de lieux souvent plus éloignés. La comparaison ne prend pas en compte les caractéristiques gustatives (pour le jambon, le gruyère râpé ou les yaourts par exemple) ni la quantité d’emballages (et donc de déchets, et de coûts cachés). Il reste que, dans tous les cas étudiés, on paye plus du double que pour un panier non bio avec des produits d’entrée de gamme (22,73 euros à Auchan).

Comment expliquer cette différence de prix ? D’abord par la pratique agricole : « En agriculture biologique, on produit moins, les rendements baissent de 30 % et la main-d’œuvre est plus importante qu’en conventionnelle, si bien que le coût de production est plus élevé. Le prix compense cela, afin d’assurer un revenu décent pour les producteurs et leurs salariés », explique Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB (Fédération nationale de l’agriculture biologique). Le succès rencontré par la filière devrait, à terme, permettre de limiter les coûts logistiques et offrir plus de transparence dans la construction des prix. 

Ensuite Arnaud Gauffier, en charge des questions agricoles au WWF, souligne l’ensemble des coûts cachés de l’agriculture conventionnelle : « On la paye avec nos impôts : les subventions agricoles y sont plus importantes que pour la bio, mais il faut aussi prendre en compte la dépollution des eaux, les frais liés aux nitrates et aux pesticides, aux algues vertes, à la perte de biodiversité (insectes, ravageurs, etc.), sans parler des dépenses de santé publique et de l’explosion des maladies non transmissibles (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires). » 

Enfin, sans doute faut-il aller plus loin dans l’évaluation des différences de coûts entre l’agriculture bio et l’agriculture conventionnelle. D’après une étude de l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) de novembre 2016, l’agriculture biologique, en préservant les insectes pollinisateurs, représente un gain de 300 euros annuels par hectare dans les zones d’arboriculture. Elle permet aussi de faire des économies allant de 20 à 46 euros par hectare par an dans les zones de grandes cultures (blé, orge, colza) – économies qui se situent à parts égales entre pesticides et nitrates. « On compte 10 % d’actifs agricoles en plus au kilomètre carré dans l’agriculture bio par rapport à l’agriculture conventionnelle », relève d’autre part Arnaud Gauffier. Des atouts que, pour Stéphanie Pageot, il serait bon de valoriser : « Pourquoi ne pas considérer la préservation de l’eau, de l’air, de la biodiversité et la baisse des émissions de gaz à effet de serre dans l’attribution des aides ? » interroge-t-elle.

Quant à l’idée reçue selon laquelle manger bio resterait un luxe de bobo, la présidente de la FNAB la réfute : « Une étude Nutrinet réalisée il y a peu pour l’Inserm prouve que les consommateurs bio n’ont pas des revenus supérieurs aux autres, mais sont proches des recommandations de santé alimentaire. C’est donc avant tout une question de choix et surtout une question d’information. » Pour Arnaud Gauffier, le panier bio ne peut être comparé à un panier conventionnel : « Manger moins de certains produits qui coûtent cher permet d’augmenter la part de bio dans la consommation. Au regard des protéines animales par exemple, il est possible de réduire les quantités et de mieux choisir la qualité. » Acheter de saison, en vrac et en gros, permet aussi de réduire la facture. 

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