Il y a une dizaine d’années, l’Institut allemand des relations extérieures avait eu la curieuse idée d’élire « le plus beau mot du monde ». Quelque 2 500 termes, recommandés par des citoyens d’une soixantaine de pays, étaient soumis au vote. Comme si les langues pouvaient être comparées, de surcroît par des personnes qui ne les connaissent pas toutes… C’est le mot turc yakamoz – désignant, comme chacun sait, le reflet de la lune dans l’eau – qui l’a emporté. Une prime à la concision ?

Même en se limitant à une seule langue, le choix n’a guère de sens. Mais nous vivons dans un monde de compétition permanente, où l’on vote à longueur d’année pour comparer, évaluer, classer et primer. Des jurys ou des sondages d’opinion nous indiquent à tout moment ce qu’il faut lire, voir, écouter, admirer : les meilleurs romans, les meilleurs films, les plus belles voix, les plus belles peintures de tous les temps… Pourquoi pas le plus beau mot de la langue française ?

Quand on les consulte à ce propos, nos concitoyens répondent majoritairement : « amour ». C’est rassurant, mais banal. Mieux vaudrait se pencher sur… l’amour des mots et la manière dont on les maltraite. Les employer à bon escient, désigner correctement les choses n’est pas une contrainte, mais un plaisir. Le français offre une infinité de subtilités et de nuances. Chagrin n’est pas tristesse, différence n’est pas diversité, orgueil n’est pas vanité… Il faudrait plus souvent tourner sa langue avant de parler. Le dramaturge Jean-Claude Brisville mettait en garde contre les mots en l’air : « Attention ! Ils retombent toujours. » 

Vous avez aimé ? Partagez-le !