Changement climatique ne rime pas seulement avec tropiques. Loin des mers chaudes et des cyclones dévastateurs, ce dernier prend désormais ses quartiers sous nos latitudes, de façon moins spectaculaire mais tout aussi durable. « L’évolution globale du climat est désormais perceptible de manière claire au travers de l’évolution de paramètres multiples tels que les températures de surface ou le niveau de la mer », explique ainsi Hervé Le Treut, qui a dirigé en 2012 et 2013 l’étude AcclimaTerra, chargée d’en mesurer les impacts. « À terme, nos territoires devront tous s’adapter à des changements importants et désormais inévitables, même si leur amplitude reste encore incertaine. » Le scientifique admet qu’évaluer de manière précise l’impact direct du climat sur une région de quelques centaines de kilomètres pose un problème difficile : « Le caractère un peu chaotique des circulations atmosphériques se traduit localement par la prise en compte de risques, plutôt que de prévisions certaines. » Cela dit, les apports des cent soixante chercheurs qui ont contribué au projet AcclimaTerra permettent d’avoir un aperçu de ce qui pourrait advenir dans la région Nouvelle-Aquitaine. Son agriculture par exemple, spécialisée dans certaines cultures telles le maïs et la vigne, connaîtrait, sous l’effet de la teneur en CO2 de l’atmosphère et du régime des pluies, une qualité et des rendements différents. Le cycle de développement des plantes de la plupart des espèces pourrait ainsi être avancé de quarante jours d’ici la fin du siècle (les dates de vendange ont d’ores et déjà progressé de deux à trois semaines depuis les années 1980). Menacée par la très possible raréfaction des ressources en eau, la culture du maïs irrigué pourrait disparaître dans la région à long terme. « Fera-t-on des retenues ou limitera-t-on la consommation d’eau en changeant les cultures ? Tels sont les choix qu’il faudra faire », remarque Hervé Le Treut. Son rapport s’efforce de fournir des arguments raisonnés. La viticulture, dont les modes de culture s’adaptent, pourra sans doute mettre en valeur des situations climatiques plus favorables (avec un degré plus élevé), mais, note le rapport, « il sera nécessaire d’accompagner cela de modifications de la réglementation et de l’organisation des filières ».

Qu’en sera-t-il du littoral ? « En Gironde le littoral est submersible. La conjonction de fortes marées, de changements de courants, de masses d’air et de crues de la Garonne va engendrer une érosion du littoral et une montée des eaux qu’il faut préparer longtemps en avance. Continuera-t-on à bâtir des digues ou à aménager des marais qui protègent ou laissera-t-on les gens partir ? Que se passera-t-il au niveau du château Margaux ou de la centrale nucléaire du Blayais ? », relève encore le climatologue, qui appelle à la mise en place de mesures pour faire face à ces vulnérabilités du territoire : « Il nous faut pour cela des politiques d’urbanisme de transformation, avec un contexte politique permettant une appropriation par les populations concernées. » Il plaide d’ailleurs avec force pour des mesures d’anticipation : recul de l’habitat le long des littoraux menacés ; modification de la gestion ou du partage de l’eau, et donc des pratiques agricoles, dans des zones qui peuvent souffrir de sécheresse estivale ; protection de la faune ou de la flore menacées ; vigilance face à des formes de pollution nouvelles ; adaptation de l’urbanisme aux risques de canicule, etc. Des politiques qui sont aussi souvent dépendantes les unes des autres… Pour lui, « se confronter aux risques inévitables du climat, rechercher les cobénéfices entre les actions d’adaptation et celles d’atténuation de l’effet de serre, permet le développement d’une approche citoyenne beaucoup plus forte de ces problèmes et permet aussi des développements économiques qui peuvent être créateurs d’emplois : production locale d’énergie, infrastructures de transport, adaptation du tourisme. »

À bon entendeur ? 

 

À lire : Hervé Le Treut, Les Impacts du changement climatique en Aquitaine : un état des lieux scientifique, Presses universitaires de Bordeaux-LGPA 
Éditions, 2013.
www.acclimaterra.fr

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