Le décrochage scolaire ne répond à aucun profil psychologique type. C’est un phénomène multifactoriel qui obéit à des raisons diverses, propres au sujet, à l’environnement (école, famille…), ou à des situations où les deux se mêlent.

Dans certaines écoles très élitistes, on observe ainsi de nombreux décrochages dus à la pression scolaire et à l’anxiété qui en découle. Dans des établissements plus défavorisés, des enfants peuvent décrocher car leur situation est telle que l’école devient le cadet de leurs soucis.

Ce désinvestissement survient très majoritairement, et sans surprise, à l’adolescence. Certains baissent les bras par colère contre leurs parents, pour marquer leur besoin d’indépendance. D’autres en réaction au modèle scolaire, où l’élève a un rôle très passif qui ne correspond pas aux besoins des adolescents que tout pousse à l’activité. La période de l’adolescence est aussi celle où le sujet réoriente ses intérêts vers ce qui se passe dans sa tête et dans son corps, au détriment de ce que l’école veut lui apprendre. Ces trois raisons font que l’adolescence est une période à risque : l’élève se trouve vulnérable sur le plan social au moment même où le collège opère le tri entre ceux qui poursuivront des études et ceux qui seront conduits vers des filières professionnelles. 

À l’adolescence survient une capacité à développer une pensée personnelle, qui peut s’avérer très angoissante pour certains. Ceux-ci se cramponnent alors à une forme de conformisme et refusent cette liberté de penser, car elle serait susceptible de faire ressurgir chez eux des questions difficiles, notamment des angoisses de séparation. Ces enfants-là vont être mis en difficulté lors du collège notamment, où la demande d’autonomie est forte, et sont davantage susceptibles de développer des phobies scolaires. Cette transformation entre l’enfance et l’adolescence peut ainsi, au lieu d’une ouverture au monde, susciter un vertige qui mène à l’exclusion, à la solitude, à des violences symboliques ou physiques.

Pour aider ces enfants, il faudrait avant toute chose que les parents cessent de les considérer sous le prisme de la réussite scolaire. Les exigences des parents à cet égard sont a priori généreuses, elles traduisent avant tout le souci de l’avenir de leur enfant, et la nécessité d’un bon niveau de conceptualisation. Mais elles entrent souvent en décalage avec les attentes de l’enfant. Lorsque celui-ci s’entend bien avec ses parents, pas de problème, il saura faire du désir des parents le sien propre. Dans le cas contraire, il peut réagir à ce projet parental excessif en décrochant, plus ou moins consciemment. La prévention du décrochage passe ainsi par la prise de conscience que l’école ne doit être qu’une des activités de l’enfant. Le développement de la personnalité, des rencontres, des activités annexes doit être encouragé. Il faut s’intéresser à l’enfant au-delà des notes, s’intéresser à ses relations, à ses activités, à son bonheur. Vous lui permettez de développer une narrativité, de donner du sens à ce qu’il vit et ce qu’on essaie de lui apprendre. Mais encore faut-il pour cela surmonter certaines situations socioculturelles, comme le travail le soir ou la disponibilité physique.

L’impact du décrochage scolaire sur la vie de ces enfants peut être dramatique. Certains, grâce au carnet d’adresses de leurs parents, sauront rebondir. La plupart seront très vite confrontés au chômage, en même temps qu’à une blessure personnelle profonde. Les enquêtes montrent aussi qu’ils seront amenés à avoir de moins bons soins, une durée de vie écourtée, une propension plus importante à la dépression. Face à cela, on a de plus en plus tendance à médicaliser l’échec scolaire, en laissant de côté les explications pédagogiques ou familiales. C’est selon moi une erreur terrible, qui risque de coûter cher à la Sécurité sociale sans régler le problème. 

Conversation avec J.B.

 

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