Simone Veil a été la première présidente du premier Parlement élu au suffrage universel en 1979. Sa désignation relevait d’un accord entre Bonn et Paris, mais ce sont les Allemands – à travers le chancelier Helmut Schmidt – qui tenaient absolument à ce qu’une rescapée des camps de la mort occupe en premier cette fonction. Ce choix devait symboliser cette étape de l’histoire européenne qui s’écrivait. Il fallait qu’une femme victime de l’Allemagne nazie représente cette nouvelle Europe, les nouveaux rapports entre la France et l’Allemagne, entre l’Allemagne et l’Europe. À cette époque, l’élection de Simone Veil a eu une force symbolique énorme, mais le Parlement européen ne disposait alors de quasiment aucun pouvoir. Dans l’imaginaire européen, elle a laissé une marque profonde sans avoir été à proprement parler une actrice de la politique européenne. Une autre Française, Nicole Fontaine a été plus tard élue présidente du Parlement européen (entre 1999 et 2002). Elle avait du pouvoir, mais personne ne se souvient vraiment d’elle. Simone Veil a marqué par sa présence plus que pas son action à la tête de cette institution. Qu’elle soit là, à cette place, c’était une façon pour l’Europe d’affirmer sa capacité à surmonter la page la plus sombre de son histoire. 

Par ailleurs, en portant à bout de bras la loi sur l’avortement, Simone Veil a fait preuve d’une force morale qui a complètement fait exploser la tradition politique. Elle était ministre d’un gouvernement de centre droit et elle a réussi cette réforme, qui n’allait pas de soi, grâce à la gauche. En cela, elle a montré à la fois une forte capacité politique et une empathie pour le drame de ces jeunes femmes qui cherchaient à avorter. Au-delà de nos différences, elle forçait le respect par son comportement exemplaire. À mes yeux, elle symbolise aussi et d’abord le courage d’avoir surmonté l’insurmontable. Au moment du débat sur l’avortement, n’oublions pas que cette femme a été attaquée par la droite dure et par les intégristes catholiques qui lui reprochaient d’organiser un génocide ! Pour quelqu’un qui a survécu aux camps de concentration, cette suspicion était incroyable. Des décennies plus tard, on a retrouvé le même acharnement chez une droite catholique, intégriste et extrême lors du débat sur le mariage pour tous.

Conversation avec ÉRIC FOTTORINO

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