Je vis avec une crainte en moins au ventre car, depuis 1975, j’ai le droit de ne pas mourir si je dois avorter. J’ai grandi avec en tête l’image forte d’une femme politique, marquée au poignet, attentive à l’enfer de milliers d’autres femmes et prête à les défendre devant un hémicycle masculin grâce à l’usage de nouveaux mots. Dans une société où les femmes ont appris à s’exprimer et à penser avec un vocabulaire d’homme, Simone Veil a contribué au changement de langage. Elle a voulu qu’une femme puisse exister et se raconter autrement qu’à travers le prisme du regard et de la pensée des hommes politiques, des intellectuels, des pères, des frères, des époux, des fils… Qu’est-ce qu’être femme ? Devrais-je plutôt écrire « être une femme » ou « être femmes » ? Ou mieux vaut-il évacuer l’essence pour m’attacher à ma « condition » ? Est-ce le mot juste ? Et ça veut dire quoi, la justesse ? Ai-je le droit à l’erreur, moi aussi ? Si je sèche, le parcours de femmes comme Simone Veil me rappelle que toutes ces questions sont formulables et légitimes. Elles sont un roc contre lequel m’appuyer. J’ai le droit à l’identification, à l’introspection et à l’indignation. J’ai le droit d’être fatiguée ou révoltée que mon corps soit une arme politique ; j’ai aussi le droit de décider qu’il soit la vitrine de mes engagements. Merci pour cet espace de mots libérés, acquis avec ténacité. Simone Veil est morte mais cette nouvelle grammaire imaginée par nos mères, à leur échelle, courageuses dans leur quotidien, s’élève vibrante et sans maître. J’espère un jour avoir leur courage. Quand je pense à Simone Veil, je pense aussi aux camps, que je suis allée voir à mes dix-huit ans. Des zones vides, dénudées, et dénuées de droits. Simone Veil a survécu. Merci d’avoir ensuite choisi la vie et nos vies.  

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