Depuis plus de trente ans, le pessimisme caractérise la société française, caracolant à des niveaux extrêmement élevés : sentiment massif que l’on vivra demain moins bien qu’hier, que le pays va dans la mauvaise direction, que les dirigeants ne sont pas capables de le tirer de l’ornière, etc. En 2012, l’élection présidentielle n’était pas parvenue à inverser ces tendances lourdes, même brièvement, même à la marge. Dès l’été, les Français, sous le coup de la rafale de plans sociaux de l’époque et de la hausse de la fiscalité, broyaient du noir, donnant le sentiment qu’il n’y aurait plus jamais d’état de grâce dans la foulée d’une élection présidentielle. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui et cela est devenu si rare qu’il faut le souligner : avec l’élection d’Emmanuel Macron, le déclinisme a soudain régressé de 19 points ! 67 % de nos concitoyens estiment que le pays est en déclin, ils étaient 86 % en 2016, 79 % en 2015 et 85 % en 2014. Et parmi ces 67 %, seuls 19 % considèrent qu’il s’agit d’un déclin irréversible, 48 % jugeant au contraire qu’il peut s’inverser. De même, 34 % des Français pensent qu’avec Macron la situation du pays va s’améliorer, 24 % qu’elle va se détériorer : ce n’est pas encore un grand souffle d’espérance, loin de là, mais c’est un différentiel positif que l’on n’avait pas connu depuis plus de dix ans. 

Deuxième observation : cet optimisme relatif, ou ce moindre pessimisme, touche toutes les familles politiques et toutes les catégories sociales. Certes, 10 points séparent les ouvriers et les employés des cadres moyens et supérieurs sur la question du déclin, les premiers étant plus inquiets. Certes, les jeunes le sont plus que les séniors. Et bien évidemment, le déclinisme reste un marqueur fort des sympathisants FN mais aussi LR et, dans une moindre mesure, de ceux de la France insoumise, tandis qu’il est minoritaire chez les électeurs du PS et de La République en marche ! (REM). Les fractures politiques et sociales n’ont donc pas disparu mais, au-delà de ces différences de niveau, l’amélioration est générale. Et cela est plus inattendu : on peut ne pas avoir voté pour REM et, malgré cela, avoir le sentiment que les choses pourraient maintenant aller mieux. 

Troisième observation : ce regain d’optimisme confirme bien que pour les Français, une partie des problèmes du pays provenait de blocages générés par notre propre système politique – des oppositions jugées factices ou stériles, des alternances gauche-droite tuant progressivement toute espérance et vidant de leur substance l’intérêt de l’élection, des oppositions de droite et de gauche peu créatives et attendant seulement l’épuisement de la majorité pour une nouvelle fois la remplacer au pouvoir, des responsables donnant le sentiment d’être coupés des réalités. La société s’éprouvait comme agile et bloquée par le politique, et elle enrageait de cela depuis trois ou quatre ans. Littéralement. C’est ce bouchon qu’a fait sauter Emmanuel Macron, en composant une offre politique et un gouvernement associant différentes sensibilités et, surtout, de nombreuses personnalités qui ne sont pas issues du sérail politique. 

Quatrième observation : ce regain d’optimisme est en conséquence fragile. Il n’y a pas d’enthousiasme, comme, par exemple, en 1981 et, dans une moindre mesure, en 2007. Pas non plus de Français qui descendent dans la rue ni de grandes fêtes populaires. Pas enfin de mesures particulières qui susciteraient une adhésion extrêmement forte. Ce que l’on espère, c’est que l’audace de ce jeune homme de 39 ans qui a cassé les codes traditionnels va enfin permettre de débloquer le pays. Et il fallait aussi de l’audace pour élire un tel OVNI et lui donner tous les leviers du pouvoir. On est dans la logique du donnant-donnant.

Emmanuel Macron reste donc un président sous surveillance, que l’on observe à distance mais minutieusement et auquel on accepte de donner sa chance, en étant raisonnablement plus optimiste. Mais sans baisser la garde. 

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