En Italie, 1968 n’a pas attendu le printemps. En février, une bande d’adolescents romains décident de s’engager, non pas dans les comités Vietnam ou dans un groupuscule politique, mais sur le terrain, auprès des plus pauvres. Andrea Riccardi, à peine 18 ans, est le moteur de ce petit groupe de catholiques idéalistes qui crée la communauté de Sant’Egidio, dont il fera l’une des plus célèbres ONG mondiales. Le message de l’Évangile est porté sur tous les fronts : soutien scolaire, intégration des handicapés, aide aux personnes âgées et aux sans-abri, visites aux prisonniers, accueil des migrants et, plus singulier, diplomatie de la paix. Quarante-trois ans plus tard, Andrea Riccardi devient ministre de la Coopération internationale dans le gouvernement de Mario Monti (2011-2013) : figure universellement respectée, il apporte son aura de bonté à l’équipe de techniciens chargée de succéder en cours de législature à un Silvio Berlusconi complètement démonétisé.

Dans l’histoire de la République italienne, la société civile est appelée à la rescousse à chaque fois que les partis politiques arrivent au bout d’un cycle. L’exemple le plus cataclysmique suit la chute de Démocratie chrétienne, parti hégémonique de l’après-guerre emporté par les enquêtes anticorruption. Le premier gouvernement « technique » post-Mains propres est confié au gouverneur de la Banque d’Italie, Carlo Azeglio Ciampi en 1993. Le réflexe de se tourner, quand la classe politique déçoit trop, vers des économistes considérés comme des serviteurs impartiaux du bien public s’installe alors. Il joue de nouveau en 1995, la présidence du conseil revenant à un autre banquier central, Lamberto Dini ; puis à deux reprises avec Romano Prodi (1996-1998 et 2006-2008) ; et une nouvelle fois en 2011, avec Mario Monti, qui a dirigé la prestigieuse université Bocconi puis siégé comme commissaire européen à la Concurrence.

Ces austères gouvernements d’experts n’ont en général pas duré plus d’un an ou deux. Mais la vigoureuse société civile italienne a donné à la politique des personnages autrement plus bariolés. D’abord, le milliardaire Silvio Berlusconi. Quand il entre en politique en 1994, lui-même et son équipe apparaissent comme de nouvelles têtes : ils ont fait carrière soit dans son groupe, la Fininvest, soit dans des partis marginaux postfascistes comme la Ligue du Nord et Alliance nationale. Après avoir appris le métier à la faveur d’un premier échec, Berlusconi est devenu un politique redoutable, cumulant près de dix années au pouvoir. Actuellement, le Mouvement 5 étoiles, « 100 % société civile » et nourri du rejet des politiques, est très haut dans les sondages. Son fondateur, l’humoriste Beppe Grillo, ne fait plus rire. 

SOPHIE GHERARDI

 

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