Les exégètes de Thomas More accordent deux sens au mot utopie. Il s’agirait, selon les uns, d’un « lieu qui n’existe nulle part ». Selon les autres, l’utopie de Thomas More serait en fait une eutopie, c’est-à-dire un « lieu de la perfection ». On ne va pas chercher noise aux étymologistes sur leur terrain d’aventure, ni procéder à une fusion-acquisition d’un sens par l’autre, pour insinuer que le lieu parfait est précisément celui qui n’existe pas. Penchons-nous plutôt sur la crédibilité des programmes de la gauche déclarée, estampillée de gauche et fière de l’être : Hamon, le socialiste officiel bien qu’isolé ; Mélenchon, le tribun insoumis, pour qui Rome n’est plus dans Rome – ou la gauche dans la gauche –, mais seulement là où il se trouve. Y compris, comme la semaine passée, sur le forum ensoleillé de la Ville Éternelle. Côté Hamon, la tentation du revenu universel pose une vraie question : comment séparer le revenu du travail, si le travail venait à disparaître, ce qui n’est pas acquis. Côté Mélenchon, on respire le bon air d’une France rendue à elle-même, retrouvant sa monnaie, ses frontières et ses emplois, sans lorgner, l’intéressé s’en défend avec vigueur, sur les fourneaux lepénistes. Briser le travail qui dégrade ici, briser l’Europe du marché là : notre gauche bicéphale a l’utopie audacieuse. Mais qui pourrait affirmer que l’une et l’autre savent parler aux électeurs qu’elles veulent convaincre ? 

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