« Je suis arrivé à un âge où on dit ce qu’on pense. » La phrase fait dresser l’oreille. Surtout quand elle vient d’un historien engagé comme Jacques Julliard. En marge de l’entretien qu’il nous a accordé, l’auteur du Malheur français interroge la démocratie. « Seule, elle ne sait pas se défendre. Le monde a toujours été sauvé par quelques-uns, je dirais même, d’un point de vue religieux, par quelqu’un », observe Julliard. Alors, dans cette période troublée où la démocratie prend çà et là des airs de « démocrature », comment redonner vigueur à cet idéal ? Est-ce l’homme providentiel qui nous manquerait cruellement ? « Des hommes d’élite, en tout cas, insiste l’historien, qui ont su apporter un supplément de volonté à la démocratie. » « Roosevelt, rappelle Julliard, a laissé faire Pearl Harbor parce qu’il n’arrivait pas à convaincre les Américains d’entrer dans la guerre ; Churchill a réussi à entraîner tout le peuple anglais derrière lui, mais dans une forme de dictature romaine ; et de Gaulle, dans les moments de crise, a agi comme un dictateur romain – un dictateur contrôlé par le suffrage universel. » La question nous est posée : qui va communiquer la flamme au « gros animal », le nom que Simone Weil, après Platon, donnait à la société, dans son livre Note sur la suppression générale des partis politiques ? Le gros animal, conclut Julliard, est souvent « imbécile, égoïste et monstrueux, non pas Ubu roi mais Ubu peuple, Ubu démocratie ». Et pourtant, n’est-ce pas à chacun de nous d’ouvrir la voie en donnant de la voix ? 

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