Le thème du « retour à l’ordre » pourrait être le mantra de la campagne actuelle menée à droite, que ce soit au niveau sociétal, économique ou institutionnel. La sociologie politique peut nous renseigner sur l’amplitude effective des variations autour de ce thème.

Si la question de l’autorité de l’État est bien un invariant du discours de la droite, sa déclinaison et sa mise en œuvre font l’objet de propositions qui diffèrent selon les candidats.

Ainsi de l’exercice du pouvoir. Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Frédéric Poisson s’adossent au principe de l’équilibre entre exécutif et législatif, alors que François Fillon, Bruno Le Maire et Alain Juppé se déclarent plutôt prêts à panacher de toutes les ressources institutionnelles leur politique, notamment économique. Jean-François Copé affiche seul le projet de « gouverner par ordonnances », condition selon lui d’un « sursaut français » – souvenir mimétique des ordonnances fondatrices du gouvernement provisoire de 1944-1946 ou de celles de 1958. Refusant ce coup de force gouvernemental (le recours aux ordonnances reste doublement encadré par l’adoption préalable d’une loi d’habilitation et d’un projet de loi de ratification) dont il rappelle le caractère incertain depuis la mise en échec des « ordonnances Juppé » en 1996, Nicolas Sarkozy affiche l’option du référendum, autre levier gaullien de verticalisation du pouvoir, qui n’admet pas de médiation entre la nation et son chef.

D’autres nuances, portant par exemple sur la conception de la représentation du peuple, traversent les débats de la primaire. Ni François Fillon, ni Alain Juppé, ni Jean-François Copé ne sont prêts à laisser fragiliser la stabilité gouvernementale par l’introduction d’une dose, aussi minime soit-elle, de proportionnelle, contrairement à Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Frédéric Poisson et Bruno Le Maire qui plaident pour son introduction, comme souvent les porteurs de projet politique minoritaires. La question du cumul des mandats rebat un peu les cartes des écarts ou proximités : Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé et Jean-Frédéric Poisson défendent son rétablissement, à l’inverse de François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire qui arguent que non seulement il reproduit au niveau local le présidentialisme national mais qu’il entérine surtout la confiscation des places par une classe politique concentrée.

Qu’elle soit « décomplexée » ou « populiste » dans son expression bonapartiste, ou bien « nuancée » dans sa variante orléaniste, l’insistance sur l’autorité de l’État fait bien partie des marqueurs de la droite : elle est revendiquée par chacun des candidats. Les affichages programmatiques (jamais à l’abri d’ajustements ultérieurs liés à l’exercice du pouvoir) sont ici soumis à la logique retorse de la primaire, qui est de fait un instrument de conversion des différences en divergences. La farouche insistance de chacun des candidats sur l’autorité de l’État et de son chef n’aurait-elle pas (aussi) pour objet de faire oublier que l’organisation d’une primaire est précisément le symptôme d’un défaut de leadership ? 

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