Le « plastiglomérat » est une roche composée de plastique fondu, de sable, de lave volcanique, et parfois même de corail et de matières organiques. Lorsque, de retour de Hawaï, le capitaine Charles Moore me parla pour la première fois de cette drôle de roche, mon hypothèse fut la suivante : en dévalant les pentes des volcans, la lave piège les débris de plastique échoués sur les plages, avant de se solidifier au contact de l’eau.

En me rendant sur place en juin 2013, j’ai dû abandonner ma théorie : la dernière éruption volcanique sur la plage de Kamilo Beach, où j’ai récolté mes échantillons, datait d’avant l’apparition même du plastique dans les années 1950. C’est à ce moment-là que des habitants de l’île m’ont parlé de visiteurs venant régulièrement camper sur la plage. Un nouveau coupable s’est alors profilé : les feux de camp. La chaleur fait fondre le plastique abandonné sur la plage, le changeant en une pâte collante capable de se greffer à son environnement. Par le simple fait d’allumer des feux sur des plages couvertes de débris, l’homme a provoqué l’apparition d’une nouvelle roche, qui risque de perdurer dans le temps, marquant géologiquement notre époque comme celle où les hommes polluaient la terre avec du plastique. Pour savoir si le « plastiglomérat » est voué à survivre, nous avons analysé les 200 échantillons prélevés, allant de la taille d’un caillou à des roches d’environ trente centimètres de diamètre. Nous avons observé que la densité du « plastiglomérat » est bien plus importante que celle du plastique, relativement léger. Plus lourde, la roche et son plastique ont toutes les chances de s’enterrer, survivre à l’épreuve du temps et peut-être même polluer les eaux souterraines. À l’automne prochain, nous soumettrons ces mêmes échantillons aux conditions du métamorphisme, c’est-à-dire à des températures et des pressions semblables à celles auxquelles est soumise la croûte terrestre. Nous serons alors capables de dire si le plastique aura laissé son empreinte sur la planète pour les millions d’années à venir. Si le « plastiglomérat » apparaît comme une conséquence moins inquiétante que la mort de millions d’animaux chaque année, il n’en reste pas moins un symbole fort, un avertissement visuel qui doit nous encourager à agir contre la surproduction de plastique. Sinon, quelle sera la prochaine étape ?  

Propos recueillis par M.P.

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