Le problème avec les sondeurs c’est qu’on ne sait jamais s’ils photographient nos avis du moment ou nos envies de demain. Photographiques ou prédictifs ? Ils jouent avec nos nerfs. Ils croient savoir et s’en défendent ; nous croyons qu’ils savent… Quelque part, loin de nous, officierait une industrie du sondage couplée à la machine politico-médiatique. C’est désagréable. On voudrait pouvoir dire, comme le dirigeant communiste Jacques Duclos en 1945 : « Les statisticiens font des statistiques. Mais c’est le peuple qui vote. »

Bonne formule et grosse interrogation. Qu’est-ce que le peuple ? Qu’est-ce que l’opinion publique ? Qu’est-ce que l’information ? Dans la France prérévolutionnaire : presque rien. Des ambassadeurs en poste à Paris envoyaient des observateurs au Palais-Royal pour se tenir informés des dernières nouvelles ou rumeurs. C’est dire… Au xixe siècle, l’émergence d’une presse puissante, ainsi que les progrès de l’alphabétisation de la population, permirent in fine la victoire des idées républicaines. Et puis sont arrivés la publicité, la radio, la télévision et Internet. Sans oublier des partis politiques hyper-professionnalisés et des instituts de sondage qui jouent les arbitres des élégances avec un air de ne pas y toucher.

Nous en sourirons dans cinquante ans. Cette époque nous paraîtra très archaïque. Les big data voteront pour nous, leurs résultats s’afficheront instantanément sur nos tablettes et c’est à peine si nous consulterons le  verdict. 

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