J'ai longtemps rêvé de faire partie de l’échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Cela a failli se réaliser en 2007, mais j’avais bêtement résilié mon abonnement téléphonique pour me contenter du portable. C’était sans appel : pas de ligne fixe, pas de sondage.

Heureusement, j’ai été sélectionné récemment par un institut d’opinion qui conduit ses entretiens en face à face. Décidé à bien recevoir l’enquêteur, j’avais préparé du thé et des petits gâteaux, mais il y a à peine touché. Il était pressé comme un lavement, ayant trois autres rendez-vous avant la fin de la journée.

Je suis tombé sur un stakhanoviste du sondage, un champion, qui débitait ses questions comme une mitraillette. « Êtes-vous pro-Fillon ou pro-NKM ? Croyant ou incroyant ? Slip ou caleçon ? Pensez-vous que Hollande se présentera ? Faut-il transformer en mosquées les églises désaffectées ? »

Mes doutes l’énervaient. « On ne va pas y passer la soirée ! » lançait-il. Quand je disais : « Je ne sais pas », il cochait la case avec agacement. Je me mis alors à répondre d’une voix hésitante à des questions que je ne m’étais jamais posées. Il explosa : « N’avez-vous pas été sélectionné d’après la méthode des quotas après stratification par région et catégorie d’agglomération ? Vous vous êtes déclaré plutôt catholique. Alors, bon Dieu, que votre oui soit oui, que votre non soit non ! »

J’espère qu’il ne me mettra pas une mauvaise note, qui m’exclurait de l’échantillon. Il s’est éclipsé sans un mot. Rien ne transparaissait sur son visage : décidément, les sondeurs sont insondables. 

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