La France est-elle particulièrement machiste, comparée au reste du monde ? 

Il existe plusieurs classements internationaux rendant compte de l’égalité homme-femme, comme l’index du Forum économique mondial. Généralement, la France se classe entre la quinzième et la vingtième position en fonction des indicateurs, donc dans la partie haute du classement. Le pays a beaucoup investi en matière de santé et d’éducation : l’accès aux soins y est paritaire et les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes à l’université. En revanche, le taux de succès universitaire des femmes ne se traduit pas forcément par une égalité des salaires. Une raison à cela : au sein d’un couple, la femme choisit généralement un emploi avec plus de flexibilité dans le temps de travail que celui du conjoint. La France reste, de ce point de vue, un pays très machiste. On observe aussi que lorsqu’une profession se féminise, comme celle d’enseignant, les rémunérations baissent. Cette tendance ne concerne pas uniquement la France, elle est mondiale. 

La défense de la cause féministe peut-elle se faire sans les hommes ? 

La participation des hommes est absolument indispensable. On ne gagne pas un match de foot avec la moitié de l’équipe sur le terrain. Cette image est valable pour tous les changements sociaux. L’égalité des sexes est un avantage pour la société en général, donc pour les hommes aussi. 

En quoi est-elle aussi un avantage pour les hommes ? 

Parce qu’elle est une solution à presque tous les grands défis. L’égalité homme-femme est une condition indispensable au développement durable. Prenons l’exemple de l’agriculture. En Afrique subsaharienne, comme dans de nombreuses autres régions en voie de développement, les agricultrices ont un accès limité aux ressources productives, aux terres, aux technologies et aux informations. On sait que si elles avaient le même accès que les agriculteurs, il serait possible d’augmenter de 25 % la production de leurs exploitations. De plus, les agricultrices tendent à réinvestir 40 % plus que les hommes dans l’éducation des enfants. 

Autre exemple : l’égalité des sexes est inextricablement liée au maintien de la paix et à la sécurité à l’échelle mondiale. À l’issue d’un conflit, lorsque les femmes participent au processus de négociation et de reconstruction, les chances qu’une paix soit durable augmentent de 20 %. 

Les hommes que vous rencontrez sur le terrain sont-ils conscients de cet avantage majeur de l’égalité des sexes ? 

Non, pas assez. Au cours de ces trente dernières années, on a fait beaucoup plus de progrès au niveau des lois que des normes sociales. La peur des hommes reste la même : si les femmes gagnent des droits, cela signifie que les hommes en perdront. C’est faux. Un plus grand engagement des femmes dans l’économie mène à une société plus prospère. Une participation accrue des femmes dans les décisions politiques mène à une société plus juste. 

Comment les hommes, en tant qu’individus, peuvent-ils agir au quotidien en faveur de l’égalité des sexes ?

En tant que citoyens, ils peuvent voter en faveur de politiques qui vont considérer qu’investir dans les services sociaux est aussi important qu’investir dans un pont ou un aéroport. Ils peuvent également dénoncer et intervenir chaque fois qu’ils sont témoins de discriminations au sein de leur famille, de leur entreprise, de leur communauté. Il faut que ces pratiques deviennent intolérables. Pendant longtemps la violence contre les femmes a été considérée comme une affaire privée, qui appartenait au domaine de la famille. Et les Français sont éduqués pour ne pas se mêler du privé. Il y a encore du travail sur ce plan. 

 

Propos recueillis par Manon Paulic

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