Le premier à avoir nommé le féminisme l’a fait pour dénigrer ceux qui avaient la folie de nier la différence des sexes en réclamant l’égalité entre les hommes et les femmes. C’était Alexandre Dumas fils, en 1872, dans L’Homme-femme. Cette paternité littéraire explique peut-être la connotation négative de ce mot. « Je ne suis pas féministe mais… », entend-on souvent dire. Dix ans après Dumas, Hubertine Auclert, une des militantes les plus passionnées du suffrage des femmes, retournera le stigmate et lancera le mot pour désigner positivement la lutte pour les droits des femmes. Cette lutte remonte très loin dans le temps comme en témoignent les poèmes Christine de Pizan, née en 1364. Olympe de Gouges mérite une attention particulière avec sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (à quand sa panthéonisation ?).

Préparée par les Lumières, la transformation du cadre politique pendant la Révolution formatera le combat à venir fondé sur la revendication de l’égalité des droits et la citoyenneté. « La femme libre » est aussi invoquée dans les années 1830, sous l’influence du saint-simonisme, et pendant la révolution de 1848 alors que le suffrage dit universel est mis en place. La liberté s’incarne dans la brillante personnalité de George Sand.
En France, le début de la première vague du féminisme proprement dit date des années 1860 avec la création d’associations pérennes. Un féminisme républicain attentif à l’éducation des filles, à la réforme du Code civil, à la laïcité (avec le féminisme maçonnique) se met en place. 
Pendant la Commune en 1871 (en particulier avec Louise Michel), c’est une autre influence qui féconde le féminisme : celle du mouvement ouvrier et de ses courants marxistes et anarchistes.
La IIIe République instaure la liberté de réunion, de la presse, de manifestation et d’association. Ce climat permet aux féminismes de se développer pleinement, sur des enjeux politiques tels que le vote des femmes, le travail, la paix, etc., sans oublier l’art et la culture. L’intégration des femmes dans la sphère publique est le combat majoritaire qu’incarne bien Cécile Brunschvicg, qui entre au gouvernement en 1936. Mais un féminisme plus marqué à gauche le concurrence ; il s’engage sur des combats qui vont caractériser la deuxième vague : la liberté de disposer de son corps.
Entre la première et la deuxième vague, il ne faut pas négliger le « creux de la vague », qu’expliquent l’essor du fascisme, la guerre et ses conséquences. Il y a dans cette césure majeure du xxe siècle, pour partie, une réaction à la montée de la contestation de la domination masculine.
Les années 1968 sont la matrice de la deuxième vague, dont on peut voir des signes annonciateurs dans la parution du Deuxième Sexe (1949) de Simone de Beauvoir et la formation de Planning familial, en 1956. Le MLF va capter toute la lumière dès son apparition publique en 1970. On connaît ses victoires, devenues le socle des droits à la santé sexuelle. Il aura aussi légitimé la voix et l’expertise des femmes tout en interrogeant ce sujet « femme » sous des éclairages contrastés, universalistes ou différentialistes. Ses combats continuent, contre les violences faites aux femmes et les inégalités économiques.
Pourtant, une troisième vague est née. Une nouvelle génération, avec ses problématiques, ses moyens d’expression, dans un contexte qui a peu en commun avec les années Peace and Love. Ses références théoriques sont issues de l’accumulation des savoirs sur le « genre », mot clé de la troisième vague. La mondialisation, l’accroissement de l’écart des richesses, la dégradation de l’environnement, la guerre, l’obscurantisme religieux, le national-populisme sont de redoutables défis qui gagnent à être analysés au prisme du genre.
Dans la lignée de Judith Butler (Gender trouble, paru en 1990, est le livre de la troisième vague) et des luttes LGBTQI, le féminisme queer rejette le binarisme des identités homme/femme et hétéro/homo, tandis que le féminisme matérialiste met toujours en avant l’opposition classe des hommes/classe des femmes. Enfin, l’attention portée à la « racialisation », plus forte que dans le passé, donne naissance, par exemple, à un féminisme « décolonial ». Ne prendre en compte que la variable du genre est une erreur d’analyse et une faute politique pour la troisième vague qui veut penser « l’intersectionnalité » des problèmes sociaux.
Émancipation, affranchissement, libération, promotion (pour les modestes) ont été les mots clés d’une lutte qui reste avant tout une résistance, et une utopie si possible.

Vous avez aimé ? Partagez-le !