Depuis une dizaine d’années, dans le primaire et le secondaire, les classes sans notes ont remisé la bonne vieille notation sur 20 pour privilégier une évaluation à l’aide de feux tricolores vert-orange-rouge, ou de lettres A, B, C, D agrémentées de + et de –, ou encore, pour les maternelles, d’un smiley souriant, grimaçant ou neutre.

Pour les partisans des classes sans notes, il s’agit de souligner les différents degrés d’acquisition plutôt que de pointer soit les acquis, soit les lacunes. L’objectif est de stimuler les élèves et leur famille, en mettant en avant les compétences acquises, ou en voie d’acquisition, au lieu de sanctionner systématiquement les échecs. Par exemple, on peut, à l’aide de feux rouges ou de feux verts, détailler un large prisme de compétences, y compris les comportements civiques et sociaux. L’enfant est-il attentif en cours ? Travaille-t-il en équipe ? Respecte-t-il les règles de vie dans l’établissement ? Est-il ponctuel et assidu ? En fin d’année, les bilans sont parfois mitigés, les élèves réclamant souvent des notes pour pouvoir se comparer aux autres et les parents n’arrivant pas à situer leur enfant avec uniquement une liste de compétences.

André Antibi, professeur de mathématiques à l’université Paul-Sabatier de Toulouse, dénonçait en 2003 la conséquence d’une notation trop rigide sous l’expression de « constante macabre ». Pour ce chercheur en didactique, les professeurs sont obligés, inconsciemment et sous la pression sociale, de donner des mauvaises notes pour être des enseignants crédibles et ce, quel que soit le niveau des élèves. La « constante macabre » se manifesterait ainsi : il y aurait toujours, dans chaque classe, un tiers de très bons élèves, un tiers d’élèves moyens et un dernier tiers de mauvais élèves. Pour André Antibi, les élèves défavorisés sont souvent dans ce dernier tiers et sont donc maintenus en échec de façon artificielle. Supprimer la notation reviendrait à libérer en partie ces élèves de cette répétition mortifère. 

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