En 1964, France Gall faisait un malheur – plus de deux millions de disques vendus – en prenant la défense de tous les cancres de France et de Navarre : « Qui a eu cette idée folle / Un jour d’inventer l’école ? / C’est ce sacré Charlemagne / Sa-cré Charlemagne… »

Sept ans plus tard, Ivan Illich entonnait un refrain moins frivole dans un livre-choc, Une société sans école (Seuil, 1971). Proposant de « déscolariser la société » ce brillant esprit reprochait à l’école de monopoliser le savoir et de le formater comme une marchandise : les élèves recevant un produit fini, labellisé, pour devenir des consommateurs. L’école, écrivait Illich, tient les jeunes à l’écart du monde et dispense la société d’être elle-même éducative. Contre la scolarité obligatoire, il défendait le droit de tout être humain – enfant, adolescent ou adulte – à apprendre, dans les deux sens du terme : s’instruire et transmettre son savoir à d’autres. Pour cela, il plaidait, deux décennies avant la naissance d’Internet, pour un gigantesque réseau d’échanges, appuyé sur « les ordinateurs ».

Paradoxalement, aujourd’hui, en pleine Toile, ce genre d’utopie n’a plus cours. On ne débat que des méthodes et des programmes scolaires. Non seulement on ne remet pas en cause l’existence de l’école, mais on attend tout de celle-ci, y compris ce qu’elle n’est pas en mesure de donner : façonner des esprits républicains, réduire les inégalités sociales, remplacer les parents défaillants… On met sur le dos de cette pauvre école tous les échecs d’une société désorientée, à commencer par le chômage. C’est tout juste si le réchauffement de la planète ne lui est pas imputé. 

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