Imaginez-vous, lors d’une promenade en forêt, remplir votre gourde d’air puis la mettre en vente avec succès sur eBay ? C’est ce que Moses Lam et Troy Paquette, deux entrepreneurs, ont fait dans l’Ouest du Canada, au cœur du massif montagneux des Rocheuses, classé au patrimoine de l’Unesco. 

Depuis leur première vente sur Internet – une simple poche d’air des Rocheuses cédée à moins d’un dollar –, les deux fondateurs de la start-up Vitality se sont spécialisés dans la commercialisation d’un air pur et compressé dans des bouteilles en aluminium recyclables de 3 ou 10 litres. Vendues avec un masque, entre 15 et 24 dollars (13 à 21 euros), ces bouteilles offrent entre 80 et 200 inhalations d’un air prélevé soit près de la station thermale de Banff, soit près du lac Louise à 1 750 mètres d’altitude. 

« Au Canada, nous vendons cet oxygène à des athlètes cherchant un complément pour dynamiser leur organisme, explique le responsable des relations avec la clientèle. Cet air est aussi très efficace pour se remettre d’une gueule de bois. » En 2015, 10 000 bouteilles d’oxygène ont été écoulées, principalement au Canada, aux États-Unis, en Corée du Sud et en Chine. 

En décembre 2015, Pékin traverse trois pics de pollution en trois semaines. Les ventes d’oxygène de Vitality grimpent en quelques jours. Les habitants parlent d’« airpocalypse » lorsque le trafic automobile et la production d’électricité à base de charbon saturent l’atmosphère au point que la municipalité ordonne la fermeture des écoles et des usines et organise la circulation alternée. En janvier 2013, le milliardaire chinois Chen Guangbiao a commercialisé pour quelques centimes des cannettes d’air pur provenant de la région du Yunnan afin de sensibiliser ses concitoyens à la qualité de l’air. L’homme d’affaires était déjà connu pour son souci de l’environnement et son excentricité depuis la destruction de sa voiture avec un marteau-piqueur et l’offre d’un vélo à chacun de ses employés. 

Pas de philanthropie pour Léo de Watts, 27 ans, patron de la société anglaise Aethaer qui développe la vente d’oxygène de luxe. L’entrepreneur commercialise des bocaux hermétiques en verre de 580 millilitres (0,48 kg) remplis d’air des campagnes anglaises du Dorset, du Somerset, du Yorkshire ou du pays de Galles. Alors que l’entreprise canadienne Vitality garde secrète la manière dont elle pompe en masse l’oxygène dans le massif des Rocheuses avant de le compresser dans ses bouteilles en aluminium, Léo de Watts fait de sa technique artisanale de prélèvement un gage d’authenticité, de qualité et de promotion. Une vidéo montre le gentleman-farmer en bottes et en veste de velours courant dans une campagne battue par les vents avec un bocal logé au fond d’un filet à papillon. 

Sur son site Internet, Aethaer vante un air « filtré biologiquement par la nature » lorsqu’il « coule entre les feuilles des arbres » et qu’il « traverse une eau cristalline ». Le fruit de cette cueillette manuelle loin de toute zone urbaine est vendu au prix exorbitant de 80 livres sterling (92 euros) le bocal. À l’occasion du Nouvel An chinois, le 8 février dernier, une collection limitée a été élaborée, précise le journal britannique The Independant, regroupant quinze bocaux d’air frais et pur pour 888 livres sterling (1 023 euros).  

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