Je donnerais tout, femmes, pas déhanchés,
Pour la fille qui va l’amble à pas légers,
Pour la vive chamelle de Bujâwi
Qui court de guingois - mais qu’importe sa grâce !
C’est que nos chamelles, ces cordes de vie,
Piègent l’ennemi et contrent les menaces.
Je me suis élancé sur l’une au désert
Comme qui lance les dés, puis gagne ou perd !
S’effraie-t-elle, aussitôt des destriers la devancent,
L’entourant d’épées nues et de fauves lances.
Nos cavaliers dépassèrent sans broncher
Nakhl, et ses eaux, et ses terres fertiles.
Le soir, à al-Niqâb, ma bête arrêtée
Nous laissa choisir entre ces deux vallées,
La Wadî des Eaux et la Wadî des Villes.
Nous lui fîmes : L’Irak, est-ce encore loin ?
Et elle (nous étions à Turbân) : Non point.
Elle vola vers Hismâ, tel le vent d’ouest
Qui frappe de plein fouet le vent soufflant d’est,
Puis mit le cap sur al-Kifâf, aux confins,
Et sur Kibd al-Wihâd, au cœur des ravins,v
Puis gagna, près de Buwaira et ses friches,
Wadî-al-Ghada où sont les tamarins,
Puis coupa à travers Busaita en plein
Comme on coupe à travers une étoffe riche,
Louvoyant entre antilopes et autruches,
Pour apaiser enfin un peu de sa soif
Dans l’eau du Jurâwî, à ’Uqdat al-Jawf.
Et Sawar apparut dans l’aube pâlie,
Et al-Shagûr lui apparut à midi.
...

 

Mutanabbî, Le Livre des sabres, choix de poèmes (édition bilingue), traduit par Patrick Mégarbané et Hoa Hoï Vuong © Sindbad / Actes Sud, 2012

 

Poème proposé par LOUIS CHEVAILLIER et illustré par CHRISTELLE LABOURGADE

 

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