Il n’y a pas deux ans, la frégate Hermione – une radieuse pucelle de l’océan – faillit se mettre au plein sur Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Titanic s’en ébroua dans les grands fonds obscurs. Il est des premières traversées qui vous marquent un navire à la vie à la mort.

Saint-Pierre-et-Miquelon ? Imaginez quelques miettes insulaires du système appalachien perdues entre Terre-Neuve et Nouvelle-Écosse. Françaises, les miettes, et fières de l’être. Espagnols, Basques, Bretons, Normands, Portugais se les disputaient jadis à la barbe des Anglais. Baleine, saumon, morue, la chasse battait son plein à longueur d’année. Une telle razzia que la chasse prit fin.

J’ai découvert l’archipel en hiver un soir de vent fort. Du quarante nœuds bien compté fouettait une neige fine appelée « poudrin ». Le pilote de l’ATR 42 – l’unique appareil d’Air Saint-Pierre – ne vit s’éclairer la piste qu’au dernier moment, six mètres avant de poser les roues. Va pour quarante nœuds, même de travers, mais au-dessus… Il en soufflait cinquante le lendemain matin – poudrin à foison – et trente-cinq l’après-midi quand je fus embarqué sous un ciel d’azur pour l’île aux Marins – aux marins fantômes. Leurs maisons de bois sont intactes, colorées comme par une main d’enfant, leur église est debout, leurs doris retournés ici et là, des vagues d’un vert vitrail se prosternent si près que l’horizon paraît voler en éclats sur les galets.

C’est un anniversaire prestigieux qui m’amène à Saint-Pierre-et-Miquelon, le bicentenaire du rattachement au drapeau français. M’accompagnent Patrice Franceschi et Sylvain Tesson, deux écrivains que j’admire, deux charmeurs d’horizons : les baleines n’ont qu’à bien se tenir. 

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