Si l’eau de la mer n’était pas salée, ce serait de l’eau plate. Et rien n’est plus déprimant que l’eau plate ; à part peut-être l’eau tiède. L’eau plate, c’est la mort. Rien à voir avec l’eau qui dort – l’eau du rêve – ni avec la mer d’huile, promesse d’un Orient mystérieux au-delà de l’horizon. Le sel, c’est ce qui donne à la mer son mouvement, sa force, sa puissance, comme il stimule la vigueur du roman et nous fait saliver de page en page. Selon Raymond Roussel, c’est le sel (et non la lune !) qui fait les marées, les tempêtes, les bains de minuit et plus si affinités. La mer sans sel, c’est un désert. Une terre évaporée où certains se consolent avec le sel de la terre, mais ce n’est pas comparable. 

Le sel rend l’eau de la mer imbuvable ; sauf pour Alain Bombard, mais n’est pas naufragé volontaire qui veut. Les poissons n’en boivent jamais, pas plus que les oiseaux n’avalent un bol d’air à chaque coup d’aile. Grâce au sel, les poissons volent dans la mer mais les oiseaux, lorsqu’on leur met du sel sur la queue, restent cloués au sol, sauf les poissons volants qui se moquent de l’air comme de l’eau.

Le vrai silence de la mer, c’est le sel. Le sel muet dans les vagues, invisible sur les plages, corrosif pour les coques des bateaux et si nutritif pour les coques du bord de l’eau. Sans le sel pas de morue à conserver ni de belles dessalées dans chaque port. Le sel, c’est l’homme, c’est la femme, c’est ce qui pousse à mettre notre grain de folie dans le morne horizon de nos vies.  

 

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