Le général de Gaulle prononce à Bayeux, le 16 juin 1946, un discours historique. Il y développe sa vision, en rupture avec le parlementarisme de la IIIe République, des institutions qui conviendraient à la France : un exécutif fort et une nette séparation des pouvoirs. Ces idées présideront à l’élaboration du régime de la Ve République après le retour au pouvoir du Général, en 1958. 

"Au chef de l’État la charge d’accorder l’intérêt général quant au choix des hommes avec l’orientation qui se dégage du Parlement.

À lui la mission de nommer les ministres et, d’abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement. Au chef de l’État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets, car c’est envers l’État tout entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. À lui la tâche de présider les Conseils du gouvernement et d’y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas. À lui l’attribution de servir d’arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine. À lui, s’il devait arriver que la patrie fût en péril, le devoir d’être le garant de l’indépendance nationale et des traités conclus par la France. 

Des Grecs, jadis, demandaient au sage Solon : « Quelle est la meilleure constitution ? » Il répondait : «  Dites-moi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ? » Aujourd’hui, c’est du peuple français et des peuples de l’Union française qu’il s’agit, et à une époque bien dure et bien dangereuse ! Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous avons à mener à bien, malgré d’immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d’aisance, de sécurité, de joie, et qui nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. 

Nous avons à conserver la liberté sauvée avec tant et tant de peine. Nous avons à assurer le destin de la France au milieu de tous les obstacles qui se dressent sur sa route et sur celle de la paix. Nous avons à déployer, parmi nos frères les hommes, ce dont nous sommes capables, pour aider notre pauvre et vieille mère, la Terre. Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner et pour observer des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche, nous sommes portés à nous diviser contre nous-mêmes ! Toute notre histoire, c’est l’alternance des immenses douleurs d’un peuple dispersé et des fécondes grandeurs d’une nation libre groupée sous l’égide d’un État fort."

Discours de Bayeux, 16 juin 1946

 

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