Ce 16 juin 2015, « The Donald », comme on le surnomme aux États-Unis, lance sa campagne pour le ticket républicain à l’élection présidentielle. Dès le début, il s’en prend aux Japonais : « Ils envoient ici leurs voitures par millions. Mais quand avez-vous vu pour la dernière fois une Chevrolet à Tokyo ? » Puis aux Mexicains : « Ils amènent les drogues. Le crime. Ce sont des violeurs. » La Chine suit : « Ils viennent, prennent nos emplois, prennent notre argent, puis ils nous prêtent cet argent, et nous, on leur paye un intérêt. Mais que nos dirigeants sont donc stupides ! » Dernière couche : « La Chine nous prend nos boulots. Le Mexique nous prend nos boulots. Eux, ils ont tous du boulot. » 

Dès son premier discours, Trump promeut l’hostilité aux immigrés et la xénophobie. Bientôt, il s’en prendra aussi aux musulmans et aux réfugiés syriens. En cela, il rejoint une grande tradition américaine, celle des « nativistes », qui, des années 1850 à la Seconde Guerre mondiale, a dominé les mentalités politiques des WASP, ces protestants blancs anglo-saxons. Une tradition qui, par le Tea Party, s’est réaffirmée avec puissance après l’accession de Barack Obama à la présidence. 

En reprenant la veine anti-immigrés, Trump se plaçait dès l’entame en marge du Parti républicain. En effet, les thèmes fédérateurs du parti, depuis 2008, suivent trois axes : l’appel à « moins d’État » et à la résorption drastique de la dette ; le rejet radical de l’assurance santé « universelle » votée sous Obama ; enfin la dénonciation d’une politique étrangère menant l’Amérique au déclin. Sur l’immigration, en revanche, le Parti républicain a tangué. Le grand débat porte aux États-Unis sur le sort des immigrés clandestins, au nombre de 11,5 millions, en grande majorité des Centraméricains. Ce débat masque une division profonde entre partisans du rejet ou de l’acceptation des immigrés en général.

Influencée par le Tea Party, la base républicaine militante récuse toute régularisation des sans-papiers et prône des mesures d’expulsion radicales. La direction du parti a conscience de l’irréalisme de ce vœu. Elle a même trouvé, en 2014, un compromis au Sénat avec les démocrates sur une réforme octroyant un « accès à la citoyenneté » aux sans-papiers. Leurs adversaires ont bloqué la loi, mais les dirigeants républicains savent lire les sondages : la majorité des Américains est favorable à une régularisation des clandestins. Et le poids électoral des immigrés ne cesse d’augmenter.

Pourquoi Trump a-t-il fait de la xénophobie son axe de campagne ? Parce qu’il savait que les républicains sont minoritaires dans le pays tant sur la réforme du système de santé que sur les coupes dans les budgets sociaux. L’hostilité à l’immigration, en revanche, regroupe ceux qui partagent le sentiment grégaire que les immigrés (et les « minorités » ethno-raciales en général) sont les premiers bénéficiaires des aides sociales (les sans-papiers sont massivement dépourvus d’assurance maladie). En jouant sur ce plan, Trump espère élargir l’assiette électorale vers les catégories moyennes et inférieures de ces classes moyennes blanches, dont le pouvoir d’achat et le statut social se sont beaucoup dégradés avec la désindustrialisation massive des États-Unis. Si celles-ci votent plutôt démocrates, elles ne sont pas insensibles à la démagogie xénophobe. Tel aura été le pari électoral de Trump pour espérer s’imposer de l’extérieur et remporter la nomination républicaine. 

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