Les Indiens yanomami vivent au bord de l’Orénoque, à la frontière entre le nord du Brésil et le Venezuela. Loin de Big Brother, du Big Data. Du moins l’ont-ils cru pendant longtemps. Leurs rites funéraires ressemblent à des crimes parfaits. Pour espérer rejoindre « le dos du ciel », un mort voit ses traces effacées par les vivants. Toutes ses traces. Son corps est réduit en cendres, qui seront englouties dans une bouillie de bananes plantain. Ses effets personnels sont brûlés. La moindre empreinte de ses pas sur le sol est gommée. De son passage sur terre ne reste que le souvenir. En 1967 pourtant, un généticien américain et son équipe ont pratiqué des milliers de prélèvements sanguins sur les Yanomami. Trente ans après, un livre paru aux États-Unis, Darkness in El Dorado, a révélé que ces échantillons avaient été congelés par les laboratoires américains sans le consentement des Indiens. « Nos anciens sont en colère car le sang des morts est conservé par des gens de loin », s’émut alors le chaman yanomami Davi Kopenawa. C’est seulement en 2010 que le principe d’une restitution de ce sang a été reconnu. Les Yanomami n’ont eu de cesse de récupérer les fameuses fioles pour aussitôt s’en débarrasser. « Nous allons jeter le sang de nos ancêtres dans les eaux car Omama, notre créateur, a rencontré sa femme, notre mère, dans la rivière », ajouta le chaman charismatique de ces Indiens d’Amazonie pressés d’accomplir enfin le vœu des morts : disparaître. 

 

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