La déforestation est aussi ancienne que la civilisation. La preuve ? Prenons l’épopée de Gilgamesh, le plus ancien récit épique dont nous ayons connaissance. Sur ces antiques tablettes en argile, nous apprenons comment le roi d’Uruk, en Mésopotamie, et son ami Enkidu, l’homme sauvage, se mettent en route vers les forêts de cèdres sacrés. Ils tuent le démon Humbaba, la première incarnation du garde forestier, et coupent les cèdres pour en faire des portes pour le temple de la ville. Le récit épique le plus ancien de l’humanité n’est rien de plus qu’une glorification de l’exploitation forestière illégale.

Pour la première fois dans l’histoire, nous sommes passés sous la barre des 4 milliards d’hectares de forêt. En dix mille ans, nous avons perdu un tiers des forêts de la planète. La déforestation est ancienne, globale et intimement liée au développement de notre civilisation.

Vous vous attendez à lire dans les lignes qui suivent qu’il faut arrêter la déforestation. Nous perdons tous les ans entre 4 et 8 millions d’hectares de forêt, à cause de l’agriculture industrielle et familiale, et du développement des infrastructures. L’exploitation du bois, du charbon et de la pâte à papier y contribue également.

Vous vous attendez à ce que je vous invite à replanter, à reboiser. Nous avons estimé qu’il y a de la place sur terre pour 900 milliards d’hectares de couvert arboré en plus, sans empiéter sur l’espace agricole ou les habitations. Il existe un programme global soutenu par les Nations unies, dont l’objectif est de planter 1 000 milliards d’arbres. Ils en ont déjà planté 13, et ont reçu à Davos l’appui du président Trump.

Vous vous attendez peut-être à ce que je vous parle de réduire la consommation de viande, de vivre sobrement, de rouler à vélo.

Je ne ferai rien de tout cela. Cela fait plus de quarante ans que des personnes avant moi ont porté ces messages. Sans effet notable au vu des tendances globales. Pourquoi ? Il y a de nombreuses raisons. En voici une que l’on entend peu. Parce que face à l’injonction, nous restons sourds. Face à l’injonction, nous nions l’évidence. Face à l’injonction, nous repoussons le problème, de l’autre côté de la mer, ou dans le futur, pour nos enfants et leurs enfants.

Je ne ferai rien de tout cela, car je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Je sais seulement que l’avenir sera ce que nous décidons d’en faire. Et là est justement le cœur du problème. L’urgence climatique, la perte de la diversité du vivant, la pauvreté, sont le résultat direct de notre processus de décision individuel et collectif. Nous sommes tel Hercule face à l’hydre de Lerne. Tant que ce processus ne sera pas réformé, les conséquences néfastes continueront à resurgir. Vous ne me croyez pas ? Une écrasante majorité des jeunes arbres plantés en Turquie l’an dernier dans le cadre d’un projet de plantation de masse a péri au bout de quelques mois seulement. Le simple fait pour le gouvernement de s’être donné pour objectif de les planter les a condamnés. Je ne crois pas aux injonctions, même celles faites avec les meilleures intentions.

Je ne vous enjoins pas à planter des arbres. Je nous invite à prendre nos décisions en conscience. Je nous invite à apprendre à décider autrement. La transition doit se faire dans nos esprits et dans nos processus de prise de décision, avant de se voir sur les images satellites ou dans les bilans des entreprises.  

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