« Ah, vous êtes français ? Alors il est comment, Macron ? » Dans les milieux politiques et intellectuels américains, six mois après son accession au pouvoir, Emmanuel Macron continue d’intriguer – plus qu’aucun de ses prédécesseurs depuis Mitterrand. Il est rare que le journaliste français de passage ne se voie pas d’abord interrogé de la sorte par son interlocuteur américain. Et le sentiment que donne le président, au-delà d’une ligne politique encore peu identifiable, est qu’il continue d’avoir la baraka. Le 7 novembre, le Time, l’hebdo le plus lu aux États-Unis, lui consacrait sa une et son dossier de la semaine, accompagné d’un long entretien avec lui. Sa correspondante à Paris, Vivienne Walt, commençait par ce constat : Angela Merkel, dont le primat sur ses homologues européens était jusqu’ici admis de tous, se retrouvant soudainement en grande difficulté intérieure, et Theresa May out pour cause de Brexit, qui reste-t-il, hormis Macron, pour incarner l’Europe ?

Mais l’alignement des astres qui favorise son parcours ne suffit pas à lui seul à expliquer l’intérêt soudain des Américains. C’est qu’ils ont, écrit encore Vivienne Walt, « le sentiment que quelque chose de dynamique advient en France ». Et ce, après des décennies de stagnation. Tant pis pour le cliché : l’opinion américaine est persuadée que la France combine l’amour du débat sans fin et le manque de dynamisme. Dès lors, « si Macron a raison » et si ses projets de changement radical en France et de renforcement de l’Union européenne se concrétisent, « la France pourrait émerger comme une puissance mondiale bien plus importante qu’elle ne l’a été depuis des décennies ». Évidemment, ce verdict enamouré est énoncé par un média qui, aux États-Unis, vomit Trump, son comportement et ses décisions. Le « président des riches » en France est perçu par beaucoup de médias américains comme une lumière face aux ténèbres. 

Quid de la relation entre les deux présidents ? Nombre d’Américains ont été surpris par la chaleur avec laquelle Macron a accueilli son homologue le 14 juillet, et son attitude déférente depuis à son égard. De fait, expliquait à l’été Adam Gopnik, auteur phare du New Yorker, dont il fut le correspondant à Paris de 1995 à 2000, Macron apparaît comme un homme entendant « négocier avec le président américain sur un pied d’égalité », comme le firent de Gaulle avec Kennedy et Mitterrand avec Reagan. « Le moment n’a jamais paru si opportun », poursuivait-il, « les États-Unis étant en déclin aux yeux du reste du monde et Trump apparaissant chaque jour plus isolé » sur la scène internationale. Pour autant, il le mettait en garde : le narcissisme de Trump dépasse l’entendement. « On peut manipuler les narcisses un temps. Mais on ne peut pas les gérer. » Si Macron imagine pouvoir « manipuler Trump », à terme, il se trompe lourdement. 

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