En anglais, drone désigne le faux bourdon, c’est-à-dire le mâle de l’abeille. La nature n’a pas vraiment gâté cet insecte ventripotent : deux fois plus lourd qu’une butineuse, privé de dard et affecté d’un ronflement désagréable, il meurt aussitôt après son accouplement avec une reine. C’est par dérision que son nom a été donné, dans les années 1930, aux premiers avions sans pilote, qui se distinguaient par un vol bruyant et une vie éphémère. L’appellation est restée, même si tout a changé : les appareils modernes bénéficient d’un caractère furtif, qui en fait d’excellents espions ; et, contrairement à des missiles, ils sont censés rentrer sains et saufs à leur base après avoir largué leurs explosifs. 

Le drone, c’est la guerre à distance, le contraire du corps à corps. Les militaires qui le téléguident ne risquent pas de mourir. Autant dire qu’un tel engin n’est pas destiné aux kamikazes. Les candidats au martyre n’ont rien à faire de ce robot volant, qui les empêcherait plutôt de monter au ciel et d’y bénéficier de toutes les félicités attendues. 

Aéronef sans pilote, le drone se définit par ce qui lui manque. C’est son originalité et sa force, alors qu’un Père Noël sans hotte ou un zèbre sans rayures perdraient tout intérêt. On ne les imagine même pas. En revanche, beaucoup d’hommes et de femmes sont désignés aujourd’hui par la privation qu’ils endurent : les sans-­papiers, les sans-abri, les sans-­emploi… et naturellement les sans-dents, dont une ­ex-reine, exclue de la ruche, s’est servie pour planter son dard. 

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