Une balade au cimetière parisien du Père-Lachaise est une bonne introduction au destin du peuple kurde et à son histoire en France. Né en Turquie et mort en 1984, Yilmaz Güney, le réalisateur du film Yol, la Permission, Palme d’or à Cannes, y repose près de son compatriote Ahmet Kaya, célèbre chanteur décédé à Paris en 2000. Quelques tombes plus loin, on trouve celle d’Abdul Rahman Ghassemlou, politicien kurde d’Iran assassiné en 1989 par des agents de Téhéran. Comme des centaines de milliers de Kurdes, ces hommes avaient dû vivre en exil à cause de la répression dans leur pays d’origine.

En France, les premières vagues de migration, dans les années 1960 et 1970, sont majoritairement économiques et en provenance de Turquie. Les flux augmentent à partir de la décennie suivante. C’est alors la situation politique en Turquie, mais aussi en Iran et en Irak, qui pousse les Kurdes à venir chercher refuge. Danielle Mitterrand, très engagée en leur faveur (le Kurdistan irakien a d’ailleurs décrété un deuil national à sa mort), a également contribué à faire de l’Hexagone une destination pour ce peuple écartelé entre quatre États.

Aujourd’hui, la diaspora, surtout installée dans l’Est et dans la région parisienne, est estimée à un peu plus de 150 000 membres, venant à 80 % de Turquie. Le niveau d’instruction des premières générations reste très modeste. On les retrouve dans les secteurs de la restauration et du bâtiment. Et c’est dans le Xe arrondissement de Paris, entre les kebabs et le centre culturel Ahmet-Kaya (le quartier général du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, en France), que bat le pouls de cette diaspora.

Les affinités idéologiques de la communauté varient en fonction de l’origine géographique et des sensibilités politiques. « Le PKK est la formation la plus visible et la plus importante, commente Rusen Verdi, de l’Institut kurde de Paris. Depuis une vingtaine d’années, les médias [proches du PKK] donnent accès à une information sur les Kurdes au quotidien, ce qui a contribué à les fédérer. » Mais les sympathies envers l’organisation kurde ne signifient pas nécessairement une adhésion à celle-ci.

Le nationalisme turc anti-Kurdes, la répression en Turquie, les exactions commises par Ankara contre les populations kurdes dans le nord de la Syrie structurent de facto l’identité de la diaspora et resserrent les liens. Ainsi, en janvier 2013, l’assassinat de trois militantes du PKK rue La Fayette, près de la gare du Nord, a profondément bouleversé les Kurdes de France, qu’ils soient sympathisants de la rébellion ou critiques à son encontre. En mai dernier, la justice française a ouvert une nouvelle enquête afin d’essayer de déterminer l’implication des services de renseignement turcs (MIT) dans cette triple exécution. Cette décision a été accueillie avec soulagement par les Kurdes qui dénonçaient, à l’unisson, le silence des autorités françaises sur cette affaire. 

 

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