C’est le prince héritier prussien qui l’écrit à l’issue de la Première Guerre mondiale : « Si nous avions eu un Clemenceau, nous n’aurions pas perdu la guerre. » C’est tout dire en peu de mots. Appelé au pouvoir fin 1917 alors que tout semblait perdu, le Tigre a su conduire la France à la victoire.

Rien n’était acquis. L’année avait marqué les esprits par une longue suite de drames. La grande offensive militaire du Chemin des Dames, en avril, avait viré à la tragédie. Puis l’armée avait été minée par des mutineries. Enfin, des grèves avaient éclaté menaçant une production industrielle déjà mal en point. Le sursaut vint donc en la personne de Clemenceau, vieux briscard de la République, alors âgé de 76 ans. L’ardent promoteur d’une « guerre intégrale » contre l’ennemi obtenait in fine toute latitude pour agir.

Ce numéro, réalisé en partenariat avec la Mission du Centenaire, retrace son parcours. Il permet de comprendre comment le Tigre est devenu un Père la Victoire en s’appuyant sur le verbe, en jouant l’intransigeance et la proximité.

La volonté, d’abord. À peine au pouvoir, Clemenceau procède à une épuration dans la haute fonction publique et renouvelle profondément le haut commandement militaire. Doté d’une poigne de fer et d’un caractère explosif, il refuse les accommodements. Seuls comptent pour lui le pays et ses hommes, donc l’efficacité. C’est ainsi, au mépris du conformisme, qu’il choisit pour commandant en chef Foch au lieu de Pétain.

La proximité, ensuite. Il prend dès le début de la guerre l’habitude de se rendre sur le champ de bataille. C’est pour lui l’occasion de vérifier sur le terrain les capacités opérationnelles militaires, mais aussi de gagner en popularité. Il sait comme personne parler aux poilus et sonder le moral de l’armée, faire montre d’un grand courage physique en descendant dans les tranchées. À ce titre, il réconcilie les civils et les militaires, ceux de l’arrière et ceux du front.

Les mots, enfin. Clemenceau possède l’art de les manier et s’en sert comme d’un outil de l’action psychologique. Il aime décocher des traits assassins à ses adversaires politiques. Il adore les mots d’esprit : « La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » Mais, surtout, il recourt au verbe pour marquer les consciences et galvaniser les énergies. Ce fut son arme pour entraîner le pays vers la victoire. Ses appels claquent comme des slogans et entrent dans l’histoire : « Mourir n’est rien. Il faut vaincre », « Ils ne passeront pas ! » ou encore « La guerre ! Rien que la guerre. »

Des mots simples pour une idée forte et fixe : gagner. Winston Churchill, qui l’admirait, s’en rappellera au début de la Deuxième Guerre mondiale. 

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