C’est un féminisme fait de bric et de broc qui se construit sur le trottoir des rues de Belleville. Un réseau solidaire, tissé par les petites mains d’un groupe de femmes à la fois visibles et invisibles. Celles que l’on croise tous les jours, le long du boulevard de la Villette, sans jamais leur adresser la parole – à moins que l’on ne cherche à recourir à leurs services. Elles sont chinoises, parlent peu le français, et se prostituent à leur compte pour vivre dans la capitale française.

À Paris, les travailleuses du sexe chinoises vivent isolées. Elles ne connaissent souvent personne avant d’atterrir à Charles-de-Gaulle, ne sont pas coutumières de la langue et ont à l’esprit une image faussée du pays dans lequel elles vont tenter leur chance. Au pays, certaines ont cru aux louanges d’une France fantasmée, où l’argent et le travail couleraient à flots. Mais lorsqu’elles découvrent cette société française dans l’espoir de gagner suffisamment pour mettre de côté et améliorer les conditions de vie d’une famille laissée en Chine, elles se heurtent à une violente précarité. Elles sont seules, dans un pays inconnu. En situation irrégulière, qui plus est. Et sans papiers – tout juste ont-elles un visa touristique, acheté au prix fort à des « passeurs » chinois –, impossible de trouver un travail sur le marché de l’emploi formel. Mais il faut bien payer le loyer – souvent exorbitant, les appartements étant loués au noir –, vivre et subvenir aux besoins de la famille. D’où le recours à la prostitution. « Au moins, ça n’est pas illégal », fait valoir l’une d’entre elles. La nature de ce travail, de plus en plus concurrentiel, les pousse à l’isolement : il faut aller chercher les clients – ils se raréfient – toujours plus loin des autres consœurs. Quelques-unes s’organisent même des séjours en province où la concurrence est moins forte. Elles prennent plusieurs rendez-vous sur Internet, louent un Airbnb, reçoivent leurs clien

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