Toujours plus chaud

La température moyenne en France a déjà augmenté d’environ 1 °C au cours du XXe siècle. Au cours des trois prochaines décennies, le mercure va continuer à grimper dans l’ensemble du pays, de 0,6 à 1,3 °C en moyenne selon les régions par rapport à la fin du siècle dernier, hausse un peu plus marquée encore dans le sud-est de la France, de 1,5 à 2  °C l’été. Des chiffres qui peuvent paraître modestes à première vue, mais dont les implications sont majeures en termes d’extrêmes climatiques. Les vagues de chaleur devraient ainsi être deux fois plus fréquentes qu’aujourd’hui, plus sévères et plus longues, de 5 à 10 jours de plus chaque année. En journée, les températures pourront alors dépasser régulièrement les 40 °C dans la plupart des grandes villes de France, voire 50 °C, alors que le record national est aujourd’hui de 46 °C. Quant aux « nuits tropicales », lors desquelles le thermomètre ne redescend pas sous les 20 °C, on devrait en compter dix à vingt supplémentaires dans le nord du pays, et jusqu’à cinquante de plus sur le pourtour méditerranéen. Paris et Lyon connaîtront alors le climat actuel de Canberra, en Australie, et Marseille celui d’Alger.

Évolution des températures moyennes annuelles en France

Selon les prévisions de Météo-France, la hausse d’ici 2050 sera de 0,6 à 1,3 °C selon les régions par rapport à la période 1976-2005.

Deux scénarios pour 2100

Cette hausse atteindrait 2,2 °C en moyenne en 2100 dans le cas du scénario RCP 4,5 (scénario médian, qui implique une baisse des émissions de CO2 dès les années 2040). Et 3,9 °C dans le cas du scénario RCP 8,5, celui où aucune politique climatique ne serait menée.

 

Les impacts physiques

L’eau, facteur essentiel

Avec la hausse des températures, la question de l’eau va devenir primordiale. Ce qui est aujourd’hui considéré comme une année exceptionnellement sèche deviendra la norme, avec une forte baisse des précipitations d’avril à octobre dans la moitié sud du pays, notamment sur les massifs. Mais cette baisse estivale aura pour corollaire une multiplication des « épisodes méditerranéens », des orages intenses pouvant causer des crues éclair, comme celles observées l’an dernier dans la vallée de la Roya.

Dans la moitié nord, les précipitations devraient être plus fortes pendant les mois d’hiver, augmentant alors les risques d’inondation dans les zones côtières et sur le pourtour des fleuves, dont les crues seront plus fréquentes et plus dévastatrices. Un risque accru par l’élévation du niveau des mers, d’environ 30  cm, qui devrait entraîner un recul de 15 à 50 m du trait de côte selon les littoraux, menaçant certaines villes comme Soulac-sur-Mer.

Des Neiges moins éternelles

La hausse des températures étant plus forte en montagne que dans la plaine, l’enneigement va largement reculer sur les massifs français : - 20 à - 50 % de neige en moyenne montagne, et une réduction de la saison de ski de plusieurs semaines. Conséquence : la fermeture annoncée de dizaines de stations dans le Jura, le Massif central, les Vosges ou les Pyrénées. Même dans les stations haut perchées des Alpes, au moins 40 % de neige artificielle sera nécessaire pour maintenir l’activité en 2050, soit l’équivalent de 40 millions de mètres cubes d’eau. Par ailleurs, la diminution du manteau neigeux aura un autre impact : moins il sera important, moins il pourra nourrir les cours d’eau en aval lors de la fonte printanière.

 

Des forêts à surveiller

Conséquence de la sécheresse et des températures plus élevées, le risque d’incendie devrait augmenter sur l’ensemble du territoire : outre le quart sud-est et la Corse, constamment menacés par les flammes, des incendies fréquents pourraient frapper la moitié des forêts françaises, dont les Landes, le Périgord, le Quercy, la Sologne, et même la Brière. Mais la chaleur cause également une surmortalité de certaines essences (épicéas, hêtres, sapins…), et une baisse de leur capacité à absorber le CO2 de l’atmosphère. Un risque majeur, alors même que ces « puits de carbone » sont vus comme un levier essentiel de lutte contre le réchauffement.

Des cultures évolutives

La chaleur, la diminution des nappes phréatiques ou du débit des cours d’eau et l’allongement des périodes de sécheresse de juin à octobre vont profondément toucher l’agriculture française. De nombreuses cultures estivales pâtiront ainsi du stress hydrique, avec des chutes de rendement des cultures non irriguées, et des sols fragilisés par l’érosion, le ruissellement et les coulées de boue. Dans le Sud, les cultures gourmandes en eau pourraient ainsi être remplacées par d’autres (sorgho, tournesol…), tandis que le maïs, la vigne, la tomate ou le melon se développeraient dans la moitié nord. L’élevage pourrait, lui, voir sa part diminuer en raison de pâtures trop sèches ou de la diminution de la consommation de viande. Il libérerait alors des surfaces pour cultiver des légumineuses, pois ou haricots, plus sobres en eau. Et certains insectes et champignons nuisibles pourront migrer plus au nord, où ils craindront moins les gelées hivernales.

Les réponses humaines

Énergies, un bouquet d’hypothèses

À quoi ressemblera notre « mix » (ou bouquet) énergétique en 2050 ? La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée en juillet 2015 prévoyait notamment de ramener de 71 % à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025 – échéance reportée à 2035 par Édouard Philippe en 2018. Si le nucléaire n’émet pas de CO2, la question de ses déchets, du (faible) risque d’accident, et la dépendance qu’il induit interrogent l’avenir. Autre difficulté : le refroidissement des centrales nucléaires, opération qui consiste à prélever l’eau dans les rivières pour refroidir les réacteurs avant de la rejeter plus chaude en aval, à une température maximum autorisée de 25 °C. Dans un contexte de sécheresse et d’étiage estival, cette pratique menace les peuplements de poissons migrateurs (truites ou saumons), fragilisés au-delà de 20 °C. La vallée de la Loire, avec douze réacteurs, le Rhône et le grand canal d’Alsace seront très exposés à la surchauffe. D’ici 2050-2070, le débit moyen annuel des cours d’eau devrait baisser de 10 %  à  40 %.

Le gouvernement envisage de fermer quatorze réacteurs d’ici 2035. Mais se passer du nucléaire en 2050, au profit des énergies renouvelables – 10 % du « mix » français aujourd’hui – supposerait de grandes innovations technologiques. Et pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (zéro émission net de gaz à effet de serre), il sera probablement nécessaire de conserver une part importante de cette énergie décarbonée. Diversifier notre mix énergétique reste essentiel, en poussant les énergies renouvelables : le solaire, l’éolien, l’hydraulique – malgré la baisse du niveau des barrages par évaporation –, la géothermie et la biomasse.

Un habitat métamorphosé

Pour réduire de moitié sa consommation d’énergie primaire d’ici 2050, ainsi que son usage des énergies fossiles, la France devra limiter ses besoins de chauffage et de climatisation. L’habitat sera transformé avec : des logements anciens massivement rénovés ; des bâtiments neufs « bas carbone » employant des matériaux isolants intelligents (vitrages laissant passer le rayonnement solaire en hiver, le bloquant en été) ; des logements à taille évolutive ; une récupération de chaleur des « eaux grises » (douche, vaisselle) ; l’abandon accéléré des chaudières au fioul et au gaz pour des chauffages utilisant des énergies renouvelables ; des habitats bioclimatiques optimisant l’environnement naturel (soleil, pluie, vent) pour limiter les besoins énergétiques des bâtiments. L’urbanisme sera aussi repensé avec une végétalisation des façades, des jardins de pluie pour rafraîchir les îlots de chaleur urbains.

 

Des transports diversifiés

Les transports joueront un rôle clé pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. La mobilité douce (marche, vélo) et collective (bus électriques ou à hydrogène, tramways et métros propres) devrait être favorisée pour réduire l’usage de la voiture. Dans trente ans, le nombre de véhicules légers pourrait passer de 32 à 27 millions, avec plus d’un tiers d’autos électrifiées (hybrides rechargeables, voitures électriques, etc.) aux performances améliorées. D’ici 2040, plus aucun véhicule thermique ne devrait être mis en vente. Si la voiture individuelle va rester prisée en milieu rural, on devrait voir le covoiturage se développer et la régulation du trafic s’améliorer (via la digitalisation), surtout si le télétravail décongestionne les agglomérations. La totalité des poids lourds vendus en 2050 pourrait être « zéro émission », alors que le fret ferroviaire et fluvial serait renforcé.

Conception Julien Bisson, Éric Fottorino, Manon Paulic, Hélène Seingier

Conseiller scientifique Olivier Boucher (climatologue pour IPSL/CNRS)

Adaptation graphique Claire Martha, Natalie Thiriez

© le 1

 

 

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