En musique comme en gastronomie, tout est une question de dosage pour les sens. Souvent, quand je cuisine, je ne suis pas de recette, je fais appel à l’instinct. Je mets un peu plus de sel, un peu plus de piment… C’est exactement la même chose lorsqu’on improvise en musique : on ajoute deux ou trois notes incongrues, et c’est ce qui va donner du relief et de la saveur. Je recherche l’inédit, la découverte de nouvelles sensations. J’aime aussi l’idée de concocter quelque chose que je ne saurai pas forcément refaire, laisser la place à une part de magie que l’on ne peut pas reproduire.

Je n’ai pas encore le budget pour fréquenter les chefs étoilés mais l’idée de manger des aliments peu habituels, ou sous une forme inattendue, me plaît beaucoup, tout comme le fait de pouvoir goûter à un panel de petits plats. Au restaurant, je suis toujours très frustrée quand je dois m’arrêter à un seul choix. Ce goût pour la variété se retrouve dans ma musique. C’est à la fois une qualité et un défaut : à tout vouloir goûter ou montrer, on risque de produire quelque chose d’un peu indigeste, comme une pizza étrange, ananas-sauce piquante ! Pour que les associations soient bonnes, il faut qu’elles soient fines. C’est un exercice qui demande du temps et de la recherche, il y a toujours des ratés avant de trouver la recette qui fonctionne. 

Pour qu’une chanson soit bonne, il faut travailler chaque élément indépendamment de l’autre. Le texte doit être assez fort pour être autonome, comme un poème. Il en est de même pour la musique instrumentale et la mélodie de la voix. L’assemblage des parties est un moment délicat, il est important de trouver l’équilibre afin qu’aucun élément n’empiète sur l’autre.
Je me suis aperçue que mon rapport à la nourriture – qui n’est pas toujours très sain – transparaissait dans mes clips. Une chanson comme « Cheesecake », que j’ai écrite pendant le confinement, est à prendre au premier degré : au milieu des titres en gras et des annonces effrayantes, il faut bien avouer qu’une bonne dose de sucre apporte un certain réconfort ! Dans le clip « Mon amour, mon ami », l’absorption de gâteaux un peu spéciaux est davantage métaphorique… mais c’est assez révélateur de mon approche de la nourriture, qui peut être parfois comme une drogue. 

J’aime l’idée de laisser la place à une part de magie que l’on ne peut pas reproduire

J’ai tendance à être beaucoup dans ma tête, à visualiser des chorégraphies qui, comme par magie, prennent vie sur scène avec une énergie intense. On pourrait me croire sportive… mais ce n’est pas le cas ! Je suis encore jeune mais il faut que je sois vigilante, que je prenne soin de moi avec davantage de discipline, ne serait-ce que pour éviter de me faire mal. 

Peu de gens ont les moyens de manger dans des restaurants gastronomiques. Ils se contentent de ce qu’ils ont. C’est pareil pour la musique. Si on s’en tient à la radio et à la télévision, on n’aura pas forcément ce qui se fait de plus élaboré. On y voit parfois de très bonnes choses, mais on retrouve aussi, souvent, des sons issus d’une même recette musicale, qui tournent en boucle dans un but purement lucratif. On les consomme comme un McDo. Ce n’est pas fait pour durer dans le temps. Quand on cherche à réaliser quelque chose de plus qualitatif, on est probablement moins accessible à tous au début, mais je crois à la force de la musique : l’émotion et la sincérité sont des valeurs populaires, qui rassemblent. Car la cuisine comme la musique permettent avant tout des moments de partage. Pour moi, le repas est un rendez-vous très important dans la journée. Il est le lieu de rencontres privilégiées. De même, j’aime partager la musique en équipe. Le collectif est essentiel. J’ai grandi en partie avec ma grand-mère en caravane, avec des gens du voyage. L’un sort une guitare, l’autre un violon, et tout le monde se met à chanter, danser et taper des mains. Ces moments gratuits, simples, mais très forts et généreux, se sont forcément infusés en moi. J’ai aussi beaucoup fait les marchés avec ma grand-mère. On y apprend à aller chercher les gens, à les embarquer, comme je peux le faire aujourd’hui en concert. 

Si ma musique était un plat, ce serait un plat épicé, végétarien et indien. Un riz biryani, parce qu’il peut varier, selon les envies : plus doux en sauce, ou plus sec et très pimenté, à l’image de ma musique en constante évolution. 

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