Gonfle-urine

 

On l’a nommé comme ça

 

Il gardait le matos
dans l’escalier de la tour H
couleur parking
le dragon du trésor
mais il n’y a plus de cavalerie

 

sous les néons
la tête lourde
la vessie pleine
le temps est long

 

Il a eu cette idée
avec les préservatifs ultra-safe
dans son jogging

 

ronds ballons sur les marches
de l’escalier de la tour H
couleur parking

 

Quand le néon est mort
Houuu Houuuu
ça a fait au néant
des yeux jaunes de chat à cause des amphétamines

 

Pour se rappeler on l’a nommé
GONFLE-URINE

 

Dans la ménagerie de nos vices, nous dit Charles Baudelaire, il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde, qui « dans un bâillement avalerait le monde » : c’est l’Ennui ! Un Ennui qui « prend les proportions de l’Immortalité », et corrompt tous nos désirs, et notre curiosité. C’est lui qui noie l’insomniaque dans son absence de sommeil, contraint de parcourir les pièces de son logis comme un labyrinthe sans sortie. Lui, qui épuise le policier dans sa voiture garée dans une ville sans bruit. Et fait oublier au commerçant inemployé ses rêves d’argent et de succès. « Le bonheur, expliquait le poète contemporain Rutger Kopland, c’est vivre avec un avenir ouvert. La dépression c’est vivre avec un avenir fermé. Le bonheur c’est la nostalgie… La nostalgie n’est pas dépression. La dépression c’est l’absence de nostalgie, être pieds et poings liés par le passé… »

Dans son court-métrage Outside, le réalisateur israélien Etgar Keret fait danser Inbal Pinto se refusant à sortir après cent-vingt jours d’isolement. « Il n’est pas toujours facile de se souvenir de ce que tu faisais exactement dans la vie, n’est-ce pas ? » Pas facile de retrouver la nostalgie des marches dans la cité quand elles étaient tendues vers un but. Ni de se rappeler le soleil aux terrasses… Ou de L’Été de Nicolas Poussin, exposé dans une salle du Louvre que j’ai toujours connue déserte – Ruth l’étrangère y obtient de Booz l’autorisation de glaner du blé dans les champs.

L’attente, c’est le contraire de l’ennui. L’attente, c’est l’univers qu’entrouvrent les possibles. La poétesse romantique Marceline Desbordes-Valmore fit rimer « j’aime » avec « emblème ». Éplorée, mais pleine de désir, elle chanta l’espoir de revoir ceux qui nous emportent :

 

Quand ta voix saisissante atteint mon souvenir,
Je tressaille, j’écoute… et j’espère immobile ;
Et l’on dirait que Dieu touche un roseau débile ;
Et moi, tout moi répond : Dieu ! faites-le venir !

 

 

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