Nous, Français, avons besoin d’un président géographe, en plus de l’économiste très cultivé que l’on connaît. François Hollande a effectué près de 260 voyages officiels à l’étranger sans avoir jamais pris un rendez-vous avec les Français pour leur dire simplement : voilà l’état du monde avec ses crises et ses opportunités, voilà les intérêts et les valeurs de la France et voilà pourquoi je conduis avec mon gouvernement telle politique dans tel pays. Est-il normal qu’on connaisse le détail d’un déplacement du président dans une ville de province et qu’on ne sache pas ce qu’il est allé faire au Vietnam ou au Chili ? Encore conviendrait-il de revenir à cette règle interdisant au chef de l’État en voyage à l’étranger de répondre à toute question de politique intérieure.
Ce silence a un impact considérable sur l’état de l’opinion, maintenue sous-informée de ce que la France réalise. Je reste nostalgique des conférences de presse du général de Gaulle et des discours de François Mitterrand. Ils savaient convaincre que la politique extérieure s’ordonnait autour de quelques idées simples : indépendance nationale, équilibre des puissances, solidarité avec les pays en crise, construction de l’Europe. « Géographier », c’est décrire le monde pour donner sens à l’action extérieure.
L’énonciation des réalités de « ce monde tel qu’il a l’inconvénient d’être », pour paraphraser Georges Clemenceau face à l’idéaliste Woodrow Wilson, est partie prenante de l’action. Distinguons bien sûr la conduite d’interventions militaires de celle de la politique étrangère. Le président Hollande avait communiqué sur notre engagement au Mali et en Syrie. Dans un État où la chaîne de décision et de commandement est très courte, le chef de l’État, servi par un état-major compétent et rompu aux scénarios d’engagement, devient aisément le chef des armées. Les résultats sur le terrain sont rapidement tangibles. En politique étrangère, par contre, la capacité d’influence passe par la construction de rapports de force, de longues négociations, dans un contexte où pèsent nombre d’acteurs non étatiques, les ONG et les opinions. C’est sans doute la raison pour laquelle il serait souhaitable que le chef de l’État dispose de synthèses préparées par un Conseil de sécurité nationale ou, à défaut, par une structure de coordination, une tour de contrôle plus large que le Conseil de défense tourné vers l’action. Cela permettrait d’intégrer, ou au moins d’articuler, les dimensions militaires et diplomatiques des défis à traiter, de les anticiper et donc d’orienter la recherche du renseignement. Face au retour des sujets régaliens sur lesquels les économistes ont peu à dire, face à une mondialisation permettant aux États émergents de transformer leurs capacités financières en outils d’affirmation nationale, face à la diversité culturelle et politique croissante d’un monde qui est, « en même temps », interdépendant, géographie et stratégie ont un rôle d’éclaireur.
Décrire ce monde nouveau en y associant le plus grand nombre des Français comme le souhaitait François Mitterrand, c’est également restaurer, au-dedans et au-dehors, l’image d’une France qui propose des idées, les fait partager et aide à les mettre en œuvre. Ainsi reprendrons-nous notre place dans « le maniement des affaires du monde », selon la formule de Richelieu.
Nous, Français, avons besoin d’un président géographe, en plus de l’économiste très cultivé que l’on connaît. François Hollande a effectué près de 260 voyages officiels à l’étranger sans avoir jamais pris un rendez-vous avec les Français pour leur dire simplement : voilà l’état du monde avec ses crises et ses opportunités, voilà les intérêts et les valeurs de la France et voilà pourquoi je conduis avec mon gouvernement telle politique dans tel pays. Est-il normal qu’on connaisse le détail d’un déplacement du président dans une ville de province et qu’on ne sache pas ce qu’il est allé faire au Vietnam ou au Chili ? Encore conviendrait-il de revenir à cette règle interdisant au chef de l’État en voyage à l’étranger de répondre à toute question de politique intérieure.
Ce silence a un impact considérable sur l’état de l’opinion, maintenue sous-informée de ce que la France réalise. Je reste nostalgique des conférences de presse du général de Gaulle et des discours de François Mitterrand. Ils savaient convaincre que la politique extérieure s’ordonnait autour de quelques idées simples : indépendance nationale, équilibre des puissances, solidarité avec les pays en crise, construction de l’Europe. « Géographier », c’est décrire le monde pour donner sens à l’action extérieure.
L’énonciation des réalités de « ce monde tel qu’il a l’inconvénient d’être », pour paraphraser Georges Clemenceau face à l’idéaliste Woodrow Wilson, est partie prenante de l’action. Distinguons bien sûr la conduite d’interventions militaires de celle de la politique étrangère. Le président Hollande avait communiqué sur notre engagement au Mali et en Syrie. Dans un État où la chaîne de décision et de commandement est très courte, le chef de l’État, servi par un état-major compétent et rompu aux scénarios d’engagement, devient aisément le chef des armées. Les résultats sur le terrain sont rapidement tangibles. En politique étrangère, par contre, la capacité d’influence passe par la construction de rapports de force, de longues négociations, dans un contexte où pèsent nombre d’acteurs non étatiques, les ONG et les opinions. C’est sans doute la raison pour laquelle il serait souhaitable que le chef de l’État dispose de synthèses préparées par un Conseil de sécurité nationale ou, à défaut, par une structure de coordination, une tour de contrôle plus large que le Conseil de défense tourné vers l’action. Cela permettrait d’intégrer, ou au moins d’articuler, les dimensions militaires et diplomatiques des défis à traiter, de les anticiper et donc d’orienter la recherche du renseignement. Face au retour des sujets régaliens sur lesquels les économistes ont peu à dire, face à une mondialisation permettant aux États émergents de transformer leurs capacités financières en outils d’affirmation nationale, face à la diversité culturelle et politique croissante d’un monde qui est, « en même temps », interdépendant, géographie et stratégie ont un rôle d’éclaireur.
Décrire ce monde nouveau en y associant le plus grand nombre des Français comme le souhaitait François Mitterrand, c’est également restaurer, au-dedans et au-dehors, l’image d’une France qui propose des idées, les fait partager et aide à les mettre en œuvre. Ainsi reprendrons-nous notre place dans « le maniement des affaires du monde », selon la formule de Richelieu.
Conversation avec JOSÉ-ALAIN FRALON