Puisque, par ailleurs, trois choses surtout amènent les hommes à la bienveillance et à ce zèle électoral dont nous nous occupons ici, à savoir les bienfaits, l’espérance et la sympathie désintéressée, il convient d’examiner comment il faut mettre en œuvre chacun de ces moyens. Dans les moindres bienfaits, l’électeur trouve motif suffisant pour favoriser un candidat : à plus forte raison ceux que tu as sauvés – et ils sont légion – n’auront-ils garde de ne pas comprendre que s’ils ne s’acquittent pas envers toi dans une circonstance comme celle-ci, ils ne se feront jamais bien voir de personne. Cela étant, il n’en faut pas moins les solliciter, et aussi les amener à penser que nous pouvons devenir à notre tour les obligés de ceux qui ont été jusqu’à présent les nôtres. 

Pour ceux qui te sont attachés par l’espérance – catégorie où l’on trouve encore bien plus de zèle et de dévouement – tâche de leur paraître toujours tout disposé à les aider, et ensuite fais-leur comprendre que tu es un observateur et un juge attentif des services qu’ils te rendent, fais-leur voir que tu sais parfaitement distinguer et apprécier ce qui vient de chacun. 

La troisième source du zèle électoral, c’est, nous l’avons dit, la sympathie spontanée : il conviendra de la fortifier en te montrant reconnaissant, en appropriant ton langage aux raisons qui sembleront déterminer la sympathie de chacun, en manifestant des sentiments qui répondent aux leurs, en leur faisant espérer que cette première amitié deviendra une liaison intime. Et pour tous les hommes de ces différentes catégories, tu devras juger et peser soigneusement les possibilités de chacun, afin de savoir comment tu dois chercher à plaire à chacun, ce que tu peux attendre et réclamer de chacun.

Il y a en effet des gens influents dans leur quartier ou dans leur municipe, il y a des gens actifs et fortunés qui, même s’ils n’ont pas jusqu’à présent recherché l’influence électorale, sont néanmoins très capables d’improviser une action en faveur d’un candidat dont ils sont les obligés ou à qui ils désirent plaire. Les hommes de cette espèce, tu dois les cultiver de manière qu’ils comprennent d’eux-mêmes que tu vois ce que tu peux attendre de chacun, que tu es sensible à ce que tu reçois, que tu gardes le souvenir de ce que tu as reçu. Mais il y en a d’autres qui ou bien sont dépourvus d’influence ou bien même sont odieux aux citoyens de leur tribu, qui n’ont ni l’énergie ni les ressources nécessaires pour pouvoir improviser une campagne : prends soin de les discerner, afin de ne pas fonder sur l’un d’eux de trop grands espoirs que décevrait la médiocrité du secours fourni.