Imaginons un jeune professeur de français. En 1960, victime d’un accident, il plonge dans un coma profond. Miraculeusement réveillé aujourd’hui, il apprend avec stupéfaction que la neuvième édition du dictionnaire de l’Académie, en voie d’achèvement, compte 28 000 mots de plus que celle qu’il a connue. Les immortels n’ont pourtant pas la réputation de courir après la mode et les nouveautés : les seuls néologismes ou termes d’origine étrangère qu’ils accueillent doivent être bien ancrés dans l’usage, répondre à un besoin réel et ne pas avoir d’équivalent en français.

Notre revenant tomberait carrément des nues en feuilletant les éditions 2016 du Petit Larousse ou du Petit Robert. Bien sûr, les verbes tweeter, podcaster, googliser, textoter, multiplexer ou angioscanner ne lui diraient rien. Pas plus d’ailleurs que l’écoblanchiment, le cybercrime, le surbookage ou le climatoscepticisme. Et comment saurait-il qu’un nomophobe – de l’anglais no mobile – ne peut se passer de son téléphone portable ? On l’imagine, le visage grave, « tendu comme un string » (Petit Robert), incapable d’« imprimer » (Petit Larousse) une foule de mots : sex-toy, bistronomie, branchitude, bling-bling, pipolisation, botoxé, glamouriser, mémériser, bientraitance, actionnisme, court-termisme, crudivore, noniste… 

On pourrait rappeler à ce ressuscité que le français est une langue vivante. Mais à quoi bon l’embarbouiller ? Choisissons résolument « l’aquoibonisme », sans troubler sa « zénitude » (Petit Larousse). Ne le laissons pas « psychoter », car il risquerait à nouveau de « comater » (Petit Robert).  

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